First reviews of Thelonious Monk’s music^[•], as the accompanist of Coleman Hawkins, whose two disc were advertised in Jazz-Hot, mars 1949, p. 22 (reference “with Thelonious Monk”):

Jazz Selection, Coleman Hawkins Quartet J.S. 510 : On the Bean / Recollections.
Publié en mars 1949^[•].

Voici quatre faces du quartette Hawkins, datant de 1944. En fait, ce quartette a plutôt l’allure d’un trio, car le batteur semble être absent. Du moins n’en perçoit-on pas la présence.

La première face, On the Bean, est une improvisation basée sur le célèbre thème de Whispering. Hawkins, en pleine forme, prend trois chorus pleins de verve où l’on retrouve toutes ses qualités d’invention et de punch et sa merveilleuse sonorité.

Cette face nous permet d’entendre enfin le fameux « pape du Be-Bop », Thelonious Monk, peu connu en France, mais qui jouit d’une grande réputation parmi les musiciens américains. Malgré des idées originales, sa technique limitée l’empêche de s’affirmer comme soliste. C’est plutôt un excellent accompagnateur be-bop, dont la personnalité ne semble d’ailleurs guère s’accorder avec celle de Hawkins.

Le verso, Recollections, joué sur tempo lent, nous montre cet aspect particulier de Hawkins alternant les phrases sur le temps et les phrases rapsodisantes. Le solo de ténor est d’une grande inspiration mélodique, et typique du jeu de Hawkins sur tempo lent …

Jazz Selection, Coleman Hawkins Quartet J.S. 508 : Flyin’ Hawk / Drifting on a Reed.
Publié en mars 1949^[•].

…Dans Flyin’ Hawk, sur tempo rapide, Hawkins joue avec sa flamme habituelle. Nous pouvons ici admirer son fameux vibrato haletant qui donne à son jeu une chaleur et une émotion que ne possède aucun autre ténor. On notera, dans le dernier chorus, une profonde ressemblance avec son disciple Byas.

Thelonious Monk prend ici un solo de 32 mesures fort original, que j’avoue aimer beaucoup, plus d’ailleurs pour les idées harmoniques que pour la beauté des phrases.

La quatrième face, Drifting on a Reed, sur tempo lent, se reproche beaucoup du fameux Body and Soul par la construction des phrases, mais n’atteint pas le même degré d’émotion. Hawkins y semble moins à l’aise. Il joue cependant une très belle coda.

En résumé, quatre faces fort intéressantes que doit posséder tout amateur de Hawkins.
R. A. [Robert Aubert]
« Disques », Jazz-Hot, N° 33, 15e Année (2e Série), mai 1949, p. 23.

Also, in the short-lived magazine published by Eddie Barclay, Jazz News:

Jazz Selection, Coleman Hawkins Quartet J.S. 508 : Flyin’ Hawk / Drifting on a Reed.
Publié en mars 1949^[•].

C’est du bon Hawkins : A) sur tempo lent, B) tempo moyen, mais le tout est, pour mon goût, en peu mou. Rares sont les occasions que l’on a d’entendre Thelonious Monk et, malgré qu’il ne semble pas être dans ses meilleurs jours, son jeu sera peut-être une révélation pour beaucoup…

Jazz Selection, Coleman Hawkins Quartet J.S. 510 : On the Bean / Recollections.
Publié en mars 1949^[•].

…Je préfère le second disque. On the Bean (Whispering) est bien enlevé. Recollections est un beau thème de W. Thomas, Hawkins y fourmille d’idées langoureuses.
Hubert Fol
« Disques », Jazz News, N° 6, juin 1949, p. 17.

Georges Daniel and André Hodeir picked him for their "ABC du Jazz”:

Soliste et accompagnateur très original. L’un des précurseurs du be-bop. On the Bean avec Coleman Hawkins (Jazz Selection)
« L’ABC du Jazz : Essais d’initiation (9 et fin). Principales figures du jazz (cent noms à retenir) par Georges Daniel et André Hodeir », Jazz-Hot, N° 35, 15e Année (2e Série), juillet 1949, p. 11.

Only 5 of the first 6 Blue Note 78rpm records out of a total of 14 discs and 1 side, released in the US between January 1948 and October 1953^[•], were released in France by Jazz-Disques^[•]; this new company had received a license to distribute (Blue Note) as early as April 1949. The releases received a mixed reception in Jazz-Hot^[•]:

Jazz Selection, Thelonious Monk Trio / Quintet J.S. 523 : Well You Needn’t / 'Round about Midnight.
Publié en avril 1949^[•]

Thelonious Monk est généralement considéré comme un pianiste d’avant-garde. On l’a même surnommé « le Grand-Prêtre du be-bop ». Dans ces deux faces, il est évidemment beaucoup plus en valeur que dans les Quartette Hawkins chroniqués le mois dernier par Robert Aubert. Son jeu assez viril malgré un toucher nuancé semble axé sur une recherche perpétuelle, tant au point de vue mélodique qu’au point de vue harmonique. Style très personnel, d’un dépouillement qui rejoint celui des solos de Count Basie. L’invention est parfois déconcertante, surtout dans 'Round about; mais que de swing au verso! Dans la première face, Monk est accompagné par Gene Ramey (b) et Art Blakey (dm) d’excellente façon.
A.H. [André Hodeir]
« Disques », Jazz-Hot, N° 34, 15e Année (2e Série), juin 1949, p. 23.

Jazz Selection, Thelonious Monk Quartet / Sextet J.S. 542 : Misterioso / Humph.
Publié en décembre 1949^[•].

On ne comprend pas très bien pourquoi l’éditeur a cru devoir coupler ces quatre faces de cette façon, alors que, par la composition de l’orchestre comme par le style même de la musique, Misterioso et Epistrophy sont en quelque sorte deux faces-sœurs, qu’il eût été indiqué de réunir.

On y entend un quartette composé de Milt Jackson (vib.), Th. Monk (p), John Simmons (b), et Shadow Wilson (dm). Je n’aime guère les solos de Monk : son dépouillement pourrait bien n’être que de la pauvreté, et ses accrochages ne sont pars toujours géniaux. Mais il faut convenir qu’il a su imprimer à ces deux œuvres un caractère fortement personnel et qui n’est pas sans captiver l’auditeur.

Misterioso est un blues en si bémol. On a enregistré beaucoup de blues en si bémol depuis que le jazz existe, mais celui-ci ne risque guère d’être confondu avec quelque autre. Le thème, basé sur une sorte de sixtes mélodiques ascendantes qui s’égrènent sur les accords et « passages » du blues, est des plus curieux.
A. H. [André Hodeir]
« Disques », Jazz-Hot, N° 40, 16e Année (2e Série), janvier 1950, p. 21.

Jazz Selection, Thelonious Monk Quintet / Quartet J.S. 548 : In Walked Bud / Epistrophy.
Publié en décembre 1949^[•].

On connaît déjà l’Epistrophy de Kenny Clarke. Cette version-ci est très différente, avec une introduction où le piano de Monk contrecarre par ses « trois pour deux » le rythme générale; l’impression d’ensemble est d’ailleurs un peu confuse.

Dans les deux faces, Monk vaut surtout par son jeu d’accompagnement très original et bien venu. Quant à Milt Jackson, c’est un soliste de tout premier ordre, le seul à ma connaissance qui puisse être placé sur le même plan que Lionel Hampton.

Ces deux faces seront, à ce point de vue, une révélation pour bien des amateurs français. Quant à la section rythmique, elle s’acquitte bien des tâches que Monk lui assigne.

Humph est exécuté par Idrees Sulieman (tp), Danny Quebec (as), Billy Smith (ts), Th. Monk (p), Eugene Ramey (b) et Art Blakey (dm). C’est un thème assez vulgaire, que ne rachète point une série de chorus sans grand relief. Le meilleur est le jeu de la section rythmique.

In Walked Bud joué par George Taitt (tp), Ed Gregory (as), Monk, Robert Paige (b) et Art Blakey est un disque qui « chauffe ». Les solistes ne sont pas très remarquables et il y a même quelque trivialité dans le jeu de G. Taitt. La sonorité dure de Monk y est plus en évidence que dans les autres faces : et, comme dans Humph et Epistrophy, il y abuse de la gamme par tons.
A. H. [André Hodeir]
« Disques », Jazz-Hot, N° 40, 16e Année (2e Série), janvier 1950, p. 21.

Jazz Selection, Thelonious Monk Quartet / Trio J.S. 554 : Evidence / Ruby My Dear.
Publié en décembre 1949^[•].

Le premier chorus d’Evidence est joué magistralement par Milt Jackson qui est vraisemblablement l’un des plus grands musiciens bop et, avec Hampton, le meilleur parmi les vibraphonistes. Puis Monk commence un chorus, je ne dirai pas par une de ses phrases favorites, mais par « sa » phrase favorite, étant donné qu’elle revient dans tous ces disques! Elle lui plait d’ailleurs tellement qu’il la répète tout au long de cette face. Je sais que beaucoup diront que c’est d’un dépouillement génial; j’ai bien peur quant à moi, que ce soit là une pauvreté d’inspiration. C’est en tout cas ainsi que cela s’appellerait chez un Hawkins ou un Lester Young si il leur prenait fantaisie de jouer de telle manière. Monk s’affirme en tout cas ici accompagnateur original.

Ruby My Dear est un solo de Monk que je n’arrive pas à trouver génial en dépit de mes efforts. Il s’y montre assez médiocre pianiste, instrumentalement parlant. De plus, il abuse des procédés de gammes par tons, et son inspiration me semble plutôt faible. Ses deux grandes qualités sont une personnalité incontestable et un swing certain. A mon sens, son renom en Amérique parmi les musiciens vient davantage de ses dons d’accompagnateur que de ses qualités de soliste.
R. A. [Robert Aubert]
« Disques », Jazz-Hot, N° 44, 16e Année (2e Série), mai 1950, p. 28.

In his (critical) essay “Puissances du Jazz" ("Powers of Jazz"), a book, the Surrealist poet Gérard Legrand unreservedly provides a beautiful evocation of the music of Monk:

« Chapitre VII - Jazz et Surréalisme »

« Je terminerai ces quelques pages, dont l’allure de palmarès me gêne tout le premier, en évoquant le plus méconnu et l’un des plus originaux créateurs du jazz contemporain, c’est-à-dire Thelonious Monk. On l’entend rarement, quoiqu’il ait assez souvent accompagné de petites formations centrées sur Hawkins ou Gillespie. Mais, à Paris du moins, les disquaires sont unanimes à déclarer que la mévente a frappé ses premiers disques, et c’est certainement un des noms les moins connus du public même « averti » ou se croyant tel. En 1948, Robert Goffin, retour d’Amérique, n’en parlait que comme d’un personnage mystérieux, dont tout le monde néanmoins reconnaissait la décisive influence sur le « new sound ». Son originalité est extrême. Il impose à tous les thèmes une volonté de rigueur particulière, qui ne se situe exactement ni dans le domaine passionnel (aucune effusion, pas la moindre trace de forcing) ni dans le domaine intellectuel : c’est tout l’opposé d’un Lennie Tristano, chez qui l’attaque disparaît au profit d’un lissé continu de l’harmonie. Sa lucidité ne conclut pas à la froideur, mais à une sorte de perfection à rebrousse-poil, exaspérante, qui n’a même pas l’excuse d’être lyrique ou mécanique, et qui me permet, risquant le délire d’interprétation, de situer—seul sans doute des grands musiciens de jazz que j’aime—Thelonious Monk sur un plan éthique (« par-delà le bien et le mal » évidement). Je veux dire qu’avec Thelonious Monk, la valeur esthétique des éléments constitutifs du piano-jazz est immédiatement érigée en valeur autonome et participe de cette catégorie unique de la relation universelle où la dialectique nous contraint de situer l’Absolu. Cette perfection, sensible dans les enregistrements « anciens » de Thelonious Monk, tel Ruby My Dear et Evidence (avec Milt Jackson, John Simmons à la basse et Shadow Wilson aux drums) se pare tour à tour, dans les faces toutes récentes (début 1952) que sont Criss Cross, Eronel, avec son prologue ironique, Four in One, Straight No Chaser, d’une cruauté brillante et d’une fraîcheur d’aurore. Thelonious Monk, outre Milt Jackson en qui s’affirme le meilleur des jeunes vibraphonistes, y est entouré d’Al McKibbon (b), d’Art Blakey (dms) et de Sahib Shihab (ce doit être un pseudonyme) alto-sax dont les chorus sont faibles, mais dont les unissons avec Milt Jackson sont une révélation. On peut encore attendre beaucoup de Thelonious Monk. Dans cette musique transparaît la provocante sécheresse du sourire de la Sphinx, tandis que les éclats de bois et d’acier qui l’environnent ont la détente des serpents et ses harmonies l’acidité tonique de l’éclair. Le caractère occulte de la grande création musicale, grâce à Thelonious Monk, trouve sa revanche à l’intérieur même de ces airs de fête qui sont le jazz^[•]. »

« Appendice »

« Depuis que les pages précédentes ont été écrites, j’ai pu entendre quelques faces de Thelonious Monk sur « Blue Note » américain, antérieures à la série de 1952. Dans Thelonious et Suburban Eyes, titre bizarre d’un thème d’Ike Quebec, Thelonious est entouré comme naguère dans Humph et Evonce (Jazz-Selection) par Idrees Sulieman (tp), Danny Quebec West (as), Billy Smith (ts), Eugene Ramey et Art Blakey. Dans Monk’s Mood et Who Knows, la formation comprend George Taitt (tp), Edmund Gregory (as), Robert Paige (b), et Art Blakey. Le soutien de ce dernier est partout d’une précision remarquable. La première des quatre faces est d’un humour typique : Thelonious joue environ un quart de disque avec un décalage de temps voulu, terriblement insistant, puis se retrouve sur ses pieds comme un chat-tigre jeté en l’air. Dans Monk’s Mood, il parodie Fats Waller. Les « mélodistes » d’une grande jeunesse jouent avec flamme mais oscillant entre des influences diverses. Les arrangements ne sont pas aussi nets que dans la série avec Milton Jackson, mais je tenais à signaler ces disques aux amateurs du plus « secret » des pianistes modernes. Enfin, Ask Me Now est un solo triomphal de Monk, comme Willow Weep for Me, la démonstration la plus complète peut-être de Milt Jackson. »
Gérard Legrand. Puissances du jazz. Paris: Arcanes, 1953, pp. 182-184, 216, 217.

Whereas some critics had mixed feelings, Jazz-Hot columnists Léon Kaba (Cabat, Jazz-Disques CIO) and Léo Vidalie (Léon Vidalie, Jazz-Disques Production Manager^[•]) in their “Nous avons reçu de New York” articles ["We received from NY" column], and US correspondent Ralph Hofmann, were by contrast enthusiastic:

« Thelonious Monk Sextet : 'Round about Midnight / Well You Needn’t (Blue Note 543) Thelonious / Suburban Eyes (B.N. 542). Il joue rudement bien, le grand prêtre Monk : rien que pour lui, il faut avoir ces disques (et aussi pour Art Blakey aux drums). »
« Nous avons reçu de New York, par Léon Kaba et Léo Vidalie », Jazz-Hot, N° 26, 14e Année (2e Série), octobre 1948, p. 24.

"« …Thelonious Monk dont nous vous signalons le dernier disque : Misterioso / Humph, B.N. 560, disque non seulement débordant de swing, mais en plus plein d’idées amusantes. Quand le grand Monk sera-t-il vraiment apprécié? »
« Nous avons reçu de New York, par Léon Kaba et Léo Vidalie », Jazz-Hot, N° 36, 15e Année (2e Série), septembre 1949, p. 30."

« Blue note vient de sortir deux nouveaux 78 tours avec Kenny Dorham (tp), Lou Donaldson (as), Lucky Thompson (ts), T. Monk (p), Nelson Boyd (b), et Max Roach (dm) : « Let’s Cool One/Skippy » (1602) et « Hornin’ in/Carolina Moon » (1603). Excellents disques : entre autres, « Skippy » comprend un excellent solo de Monk. Dans « Let’s Cool » on peut entendre quelques beaux ensembles de Dorham, Donaldson, Thompson, Boyd. »
R. H. (Ralph Hofmann)
« Jazz-Hot Magazine : Le Disques aux U.S.A. », Jazz-Hot, N° 81, 19e Année (2e Série), octobre 1953, p. 20.

Before the expected article devoted to Monk alone there were these measured comments from Lucien Malson & Jacques Hess in Jazz-Hot which were general comments containing references to Monk:

« Diversité de l’école Bop »

« La première de nos remarques sera pour Thelonious Monk qui occupe une place à part. C’est en effet un « cas ». Car malgré sa très grande originalité : dans les thèmes (Humph, Evidence) et notamment dans le traitement du blues (Misterioso, avec ses montées en sixtes), dans la phrasé, si abrupt, dans l’harmonie, l’arrangement et l’atmosphère générale, il est remarquable qu’il n’a aucune influence direct appréciable par nous. Il n’est pas possible de parler d’une « école Monk ».

Il semble bien qu’il existe ensuite et à l’écart de Monk, ce qu’on peut appeler désormais un classicisme bop, directement issu de Parker-Gillespie et que nous illustrons ici par les groupements de Bud Powell et Tadd Dameron qui présentent des point communs… »
« Regards sur le jazz actuel par Lucien Malson et Jacques Hess », Jazz-Hot, N° 51, 17e Année (2e Série), janvier 1951, pp. 8, 9.

« On ne peut, à la fois, aimer le jazz et, sans amertume, dénoncer la crise qu’il subit… Parallèlement à cette chute au moins apparente des grandeurs, l’affermissement de talents plus modestes ne paraît pas niable. De très bons musiciens, nous n’en avons jamais autant connus. Sans revenir sur l’éclosion de personnalités telles que celles Getz, Cohn, Sims, Eager, Stewart, Moore, qui sont tous des petits enfants de Lester, il faut prendre pour exemple la maîtrise accrue d’un pianiste comme Monk. Monk n’a cessé, entre vingt autres artistes, d’améliorer se technique et en même temps de parfaire son langage. Ses gravures de 1951 : Ask Me Now, Criss Cross, Eronel, Four in One, Straight no Chaser dépassent toutes celles que nous connaissions de lui. Ce sont des œuvres délicates, d’une extrême fraîcheur mélodique, d’un bop assagi. Mais ce dernier mot nous replace au cœur de la crise. Puisqu’on ne peut signaler que des secteurs calmes, c’est que la création n’est plus qu’une transformation. Le drame, c’est l'absence de toute émergence… »
« Chronique de Lucien Malson : Situation du jazz », Jazz-Hot, N° 69, 18e Année (2e Série), septembre 1952, p. 9.

But then, instigated by Alfred Lion, came this feature written by American graphic artist Paul Bacon, a friend of Monk “It focused on Monk’s personality” said Bacon^[•]. It was first published (translated into French by Boris Vian) as, “Portrait de Thelonious Monk par Paul Bacon,” in Jazz-Hot, N° 36, 15e Année (2e Série), septembre 1949, pp. 6-8. Two months later the original article appeared in The Record Changer, , Vol. 8 N° 11, November 1949:

Even the worst enemies of the man know as the “High Priest of Bebop” are forced to admit that he is, after all, a remarkable fellow. It has become fashionable to think him a greatly overrated musician, something of a charlatan, a mystic whose very mysticism is calculated to conceal a rather prosaic flaw: poor musicianship. That is utter nonsense.

There is no doubt that Monk is a man without conventional scope, without the sense of the opportune, devoid entirely of the deft imagination which Dizzy Gillespie turned into an even more valuable property than his talent, by capitalizing on the physical oddities of the bop school, with great good will and ingratiating theatrics. Lack of that perception, and élan, is serious in the music business. It leads to other lacks which, though they aren’t aesthetically noticeable, are not conducive to health and happiness: lack of things like money.

I don’t pretend to hold any brief for the things Thelonious has done to, and for, himself, nor do I intend to demonstrate that he is in reality a mild, virtuous and misunderstood man. People have knocked themselves out in his behalf, time and again, without producing any permanent good, not because of any maliciousness on Monk’s part, but because the chasm separating their senses of value from his is too great. It is better to be an amateur admirer than a promoter, in Monk’s case.

I have a choice here between writing about Monk as he is, or as he seems to be, and is generally thought to be. There isn’t any great difficulty about it, because both sides are fertile ground; the stories merely differ in plausibility. The trick to making a genuine legend out of an artist is quite simple—you need only to describe him in comparison with so-called “normal” people, if he is slightly eccentric, and, if he is not, describe his remarkable normality in comparison with the weird behavior of other artists. Thus, in Thelonious’ case, staying up for 72 hours at a stretch and then sleeping for 48 may well be considered unusual (if he did it continually, which he doesn’t, he could rest on those laurels alone), like many other things he does, unless you remember that he is a musician, that his personal life is that of a musician and not a bank clerk.

Nonetheless, there are aspects of Monk’s personality which no amount of logic can solve. He is undoubtedly a very selfish man (this quality, too, is not at all unique among artists), and the business of having the world revolve around him has caused him to see things in a remarkably direct fashion—very much in the manner of a child. The process of becoming mature requires a hell of a lot of concessions, usually called “adjustments,” and he has never made many. In this way, the formality of wearing clothes is inexplicable to a child, just as the formality of musical structure is inexplicable to Monk. I think that some subtle facet of his mind realizes that he has this quality, and that he cherishes it.

A self-absorption as profound as Thelonious’ produces some wonderful anecdotes, many of which have been printed over and over; my favorite is an incident I was spectator to, and which has never been recounted, as far as I know.

There is, in Harlem, a monstrous barn of a dance-hall called the “Golden Gate”; quite a number of affairs are produced there every year, and the usual system is to have two alternating bands working—in the last few years the two bands have been one bop group and one Calypso band. (There are a couple of remarkable Calypso bands in New York, playing a real powerhouse music which is closer to Harlem in 1928 than Trinidad in any year.) The occasion I’m thinking of took place there in 1947, almost exactly two years ago. Macbeth’s calypso contingent shared the stand with a bop sextet fronted by Monk; the boppers were second in line, so, after a long set by Macbeth, Monk’s band wandered desultorily to the stand.

Monk fussed with the piano, discovering that it was a pretty venerable instrument (when he sits at a piano there is a dead key on it—no matter how recently the thing was in perfect condition. He accepts this as one of the penalties of genius) and making faces at it as he sounded notes at the other musicians’ request. Close examination showed him that the pedal post was shakily attached; he jiggled the whole piano apprehensively, then shrugged his shoulders and concentrated on some music left behind by Macbeth’s pianist.

A little later, I became aware that Thelonious was doing something extraordinary—tying his shoe or waving to somebody under the piano; as I watched, mesmerized, I saw that he was yanking at the pedal post with all his might (first he kept up with the band by reaching up with his right hand to strike an occasional chord, but he had to apply himself to the attack on the post with both hands, and get his back into it, too). There was a slight crack, a ripping sound, and off came the whole works, to be flung aside as Monk calmly resumed playing. He never looked at it again, but when Macbeth’s man came back on the stand he stopped short, stunned. It was obvious that here was a new experience, something outside the ken of a rational man; for the rest of the evening he looked upon Thelonious with a new respect.

It is generally something much like the above bit of business which cause to look on Monk with a new respect; nothing is quite so arresting as a man who actually doesn’t give a damn, even if you think he is acting, and how do you prove that?

Take off Thelonious’ famous glasses and you will look hard to find your eccentric High Priest of Bebop; they are his armor and his shield. Most people are shocked to discover that he does, after all, have eyes like their own—it’s so easy to think of him as a man with a gold-plated brow and two-inch black discs for eyes. There isn’t anything fragile about him, mentally or physically, as his reputation for being able to take care of himself will attest. A necessarily iron constitution is supported by a six-foot, 175-pound frame, which he drapes in double-breasted suits exclusively, most of the time with the coat unbuttoned. He moves slowly, very slowly, under any conditions; at his initial concert, in New York’s Town Hall, he had to walk approximately fifty feet to the piano, after being announced; he emerged from the wings with a deliberate, measured step, taking an age to reach the Steinway. Before he had completed the necessary ceremony of bench-adjusting, pedal-testing, and coattail-draping, the audience was in a state of prostration. This was not a matter of stage presence, or lack of it; only a perfect sample of the deportment of Thelonious Monk. As he puts it, “you have to be yourself—if you try to be different, you might miss your cues.”

At any rate, this man, unmalleable, exasperating, sometimes perverse to the point of justifiable homicide, is the man who casually formed the nucleus of the group which surprised itself by changing, at least temporarily, the direction of jazz. That was ten years ago.

Minton’s Playhouse, on Harlem’s 118th Street, is like many another birthplace of famous people and events—it doesn’t look like much. Inside, though, there is an atmosphere hard to find anyplace else in New York; an ease, a lack of the professional gimlet-eyes nightclub bandits, whose only salable commodity is an obsequiousness available to one and all, for a small consideration. There have also been, at various times, a dapper waiter named Romeo, who was as likely to dance for the customers as bring them drinks, and many young musicians working for a living; in 1939 they include Kenny Clarke and Thelonious Monk.

I might add here that Monk’s part in the whole history of bebop began long before 1939. In fact, as he tells it, he was playing essentially the same way he does now in 1932, when he was fifteen years old. His conception is not something that grew out of what he felt was a need for something new in music—he just played that way. His ear was hearing between the lines of its own accord, and that nonconformist ago told him that what he heard was perfectly valid. Time seems to have borne him out.

Too many stories have written about the genesis of bop at Minton’s; the footprints are all obscured, and I say why not? All the recounting of who played what for whom, and who picked it up, and who sat in and said “Man, this is it!” is producing some of the asinine squabbles which are the curse of traditional jazz. It seems definite that Monk and Clarke are chiefly responsible, and Monk has the advantage, historically, because he’s a pianist and Clarke is a drummer. I doubt that either of them, or anyone else, knew what they were doing, saw anything momentous on the horizon, or even cared particularly.

Monk is fundamentally a catalyst, a well-spring; he is consistently interesting whether he’s playing or not. The complex personality which makes his behavior unpredictable has made his music stimulating to gifted and receptive men like Parker and Gillespie; that personality is unchangeable, the stimulus is unfading. He’ll have both when he’s ninety years old.

Those are the attributes he had at Minton’s, and they made him a source, something fundamental, therefore priceless. Any new enterprise requires a certain personnel to be vital: several people who grasp because their sophistication tells them that here is a direction their machinery is admirably suited to travel in, and at least one who is here because he is unable to do anything else, the man with an honest germ of an idea. Monk fits neatly into the latter category; not a virtuoso, but a creator. He can’t sell his product, but there are salesmen who can, and do, even, though some may not believe in it simplicity.

Well, what is his product? It is something quite fragile and intangible, like the quality in the stories of Virginia Woolf and Gertrude Stein. In fact, there have been many times when Monk has offended delicate ears with his pianistic assertion that a theme is a theme. He is perfectly aware that he has nothing new to say, no revelations to make to anyone; it is the simplest thing in the world to say “all he’s done there is to play a G7th instead of, etc…” which is like saying that all Cézanne did is to translate nature into cones, cubes and spheres, and what’s so remarkable about that?

Listen to Thelonious and you hear a man listening to himself, playing variation on what he hears, so that you never really are in contact with his immediate impressions; it’s a little like watching an essentially right-handed but ambidextrous man draw with both hands at once—the right hand’s effort is calculated and familiar, but the left hand’s, though it almost follows suit, has a weird distortion; it’s the same thing, but different, and it is likely to be more interesting.

The identity of a tune is like the identity of a word—it remains itself only as long as it is scrupulously kept in its proper place, with its proper emphasis; a great many ingredients go into recognition of either one. Everyone has had the experience of having a word suddenly become a series of foreign letters utterly unrecognizable; in Monk’s hands, a well-worn tune may dissolve into that same unreality. For instance, “Liza” is a song I’ve always known and liked, and however I heard it, it was always indisputably “Liza,” with connotations of words, situations and sensations; but I heard it for the first time when Monk played it, because he is under no such hallucinations about any melody. What I have described is not the same thing as improvising: to play exhaustive variations on “How High the Moon” is not the same as to reconstruct it entirely, any more than closing your eyes makes you see as a blind man sees.

Monk’s product is essentially simplicity. Because of it, he is a provocative musician, one with whom other musicians play well—sometimes better than they ever have. Recognizing that he had something beyond a reputation to offer, Blue Note Records, a firm of almost suicidal integrity, decided to take the plunged and make some records with him. The idea bore fruit in more ways than one, because they immediately discovered a whole uneaten side of the evil apple which is bebop—young musicians, without reputation, who were following the avant-garde Gillespie and Parker circles, and bringing with them something of their own. They discovered that Monk always knew of a guy “who could blow,” trumpet, tenor, alto—whatever was required. Alfred and Lorraine Lion and Frank Wolff were, for a time, father, brother, moral support and employment agency for Thelonious and his crew, and there were some fantastically messed-up moments for all parties during the time the records were being cut.

The titles have the same charm as the music—“‘Round about Midnight,” “In Walked Bud,” “Humph,” “Ruby, My Dear,” “Evonce,” “Well, You Needn’t,” “Suburban Eyes,” to name a few; the first one was “Thelonious,” which one reviewer described as “oddly affecting,” and that’s pretty close.

During the time that these records were made, Monk went back to work at Minton’s with a quartet which has always been one of the high spots for me in the frenetic life of bop: Edmund Gregory (Shihab, as his adopted Moslem brethren call him) on alto, Al McKibbon on bass, the amazing Art Blakey on drums, and Monk. That was a perfect unit, unlike any other, before or since; they played no tunes but their own, in no way but their own; they did more rhythmically, than any musical group I ever heard anywhere; and they kept improving until the inevitable break-up came, after too short a time. That band at Minton’s made an era of its own, much as Jimmy Noone’s did at the Apex Club.

I’ll finish by saying that in listening to Monk, the same advice applies as is given to fans of traditional jazz, on hearing bop for the first time: forget what you know, don’t compare—listen. Monk is likely to be as jarring a departure from Dizzy Gillespie as Dizzy is from Louis, and yet he may hit you right away. An open ear is a wonderful thing.
“The High Priest of Bebop: The Inimitable Mr. Monk, by Paul Bacon,” The Record Changer, Vol. 8 N° 11, November 1949, pp. 9-11, 26.
Reproduced in The Thelonious Monk Reader. Edited by Rob van der Bliek. New York: Oxford University Press, 2001, pp. 57-62.

This feature article in form of a promotional article will not be enough to convince potential buyers, and at the end of the year, after a final release (of which we were not able to find a review):

Jazz Selection, The Thelonious Monk Sextet / Trio J.S. 557 : Evonce / Off Minor.
Released January 1950^[•].

The next mention of Monk in a Jazz-Hot, Vogue advertisement will be in the form of a newsletter, Vogue Actualités, July-August 1952:

« Le Bop est Mort (sur un air connu) »

« C’est la raison pour laquelle Thelonious Monk vient d’enregistrer [?] une séance que les dirigeants de la firme « Blue Note » considèrent comme sensationnelle. La formation comprend Sahib Sahib [sic] (as), Milt Jackson (vib.), Al McKibbon (b), Art Blakey (dm). Aux dernières nouvelles, le « Thibétain » se portait fort bien et continuait allègrement à démolir des pianos. Vaut-il mieux jouer cool ou des blues à treize mesures? »
Ad, « Vogue Actualités : Juillet-Août 1952 », Jazz-Hot, N° 68, 18e Année (2e Série), juillet-août 1952, p. 22.

No Blue Note records would be released in France until December 1955^[•]. Likewise, no Prestige record by Monk would be manufactured and distributed in France before January 1956^[•].

The most glowing, enthusiastic reception given to Monk's music appeared in the two modest French-language inserts (one or two pages) in Jazz-Hot, the magazine of Belgium's Hot Club, after November 1948^[•] (Editor-in-chief, Carlos de Radzitzky), and in the Swiss Jazz-Revue after February 1949^[•]. Both, apart from specific local content, had news and reviews of records imported from the USA:

Jazz-Revue in Jazz-Hot by Jean-Jacques Finsterwald general representative in Switzerland of Jazz-Records^[•], and composer and pianist Julien-François Zbinden:

On associe volontiers le nom de Thelonious Monk aux fameuses séances du « Minton Playhouse » (208 West 118th Street, N.Y.) où furent élaborées les bases d’un nouveau style appelé communément Be Bop; on dit même que son influence fut prépondérante et qu’il contribua, pour la plus grande part, à l’élaboration des bases sur lesquelles reposent les tendance du « New Sound ». Quoi qu’il en soit, les rares disques gravés par Monk nous révèlent un des pianistes les plus originaux et les plus imaginatifs qu’il nous ait été donné d’entendre.

Thelonious Sphere Monk est né en 1918 à New York [sic], d’une famille qui ne compte pas d’autre musicien. Il commença ses expériences harmoniques et rythmiques dans un quartet où nous trouvons Keg Purnell à la batterie; c’était en 1939. Puis il devint le pianiste régulier du Minton’s à Harlem, une boîte que dirigeait le chef d’orchestre Teddy Hill.

En dépit de l’importance que lui accorde la Nouvelle École du Jazz (les musiciens en particulier), Monk ne connaît pas la célébrité d’un Parker ou d’un Gillespie. C’est probablement parce que ses qualités d’exécutant ne sont pas à la mesure de sa débordante imagination. On nous dépeint, d’autre part, sa proverbiale modestie et son mode de vie incompatible avec les exigences auxquelles est soumise une vedette; on raconte qu’il peut se passer de sommeil pendant une semaine, quitte à dormir trois jours et trois nuits quand il a réussi a s’arracher du clavier.

Monk fut enregistré pour la première fois en compagnie de Charlie Christian, Joe Guy, Nick Fenton, Kenny Clarke, à la fin de 1940. Il s’agit de six faces publiées en France par Polydor et intitulées « Charly’s Choice » et « Stompin’ at the Savoy ». La prise du son est défectueuse (l’enregistrement a été effectué au Minton’s par un amateur) et l’on devine plutôt qu’on y entend la partie de piano.

Le 19 octobre 1944, Monk accompagne Coleman Hawkins, avec Edward Robinson (b) et Denzil Best, dans « Drifting on a Reed », « Recollections », « On the Bean » et « Flying Hawk » enregistré par Joe Davis et que Jazz Selection vient de publier en France. Les solos de piano sont bien rares et vous trouverez la critique de ces disques dans la partie française de ce numéro.

Je passe donc à la série d’enregistrements que Blue Note a édités sous le nom de Thelonious Monk, enregistrements qui nous permettent enfin de l’entendre dans de bonnes conditions. Il s’agit de « Thelonious », « Suburban Eyes », « Evonce », « Off Minor », « ‘Round about Midnight », « Well You Needn’t », « Epistrophy », « In Walked Bud », « Ruby, My Dear », « Evidence », enregistrés avec des musiciens divers parmi lesquels relevons les noms de George Taitt (tp), Edmund Gregory (alto), Danny Quebec West (as), Milton Jackson (vib), John Simmons (b), Shadow Wilson (d) et d’Art Blakey (d), son drummer préféré.

Ces disques nous révèlent un musicien original à l’extrême, d’abord par son arythmie plus marquée que chez n’importe quel autre pianiste, puis par le souci constant qu’il semble éprouver d’étonner l’auditeur; cette recherche de l’inattendu chère au style Be Bop est poussée chez lui à l’extrême. Monk paraît éprouver un plaisir raffiné a hésiter tant sur le rythme que sur l’harmonie, il se dégage de ses solos une impression maladive.

L’utilisation systématique des harmoniques éloignées de la fondamentale amène des trouvailles heureuses, souvent géniales, mais l’entraîne parfois dans des impasses mélodiques. Grâce à ses variations rythmiques, il réussit à s’y maintenir, en attendant de trouver une porte de sortie qui n’est souvent qu’un retour opportun à un style de piano plus traditionnel comme c’est le cas dans « Thelonious ». Ce disque est d’ailleurs un exemple typique de son style : il s’obstine sur une note qu’il répète en variant les accents rythmiques jusqu’à l'épuisement de ses ressources. Au lieu d’une note, il lui arrive de choisir de petits motifs qu’il répète dans divers degrés (In Walked Bud).

Son jeu est simple, son style sobre et dépouillé; il utilise très peu les accords et concentre toute son attention sur une main droite à style monodique. En dépit de sa hardiesse, Monk utilise des structures harmoniques absolument logiques, des thèses relativement simples et le système par tons entiers, cher à Debussy qu’il applique avec à-propos.

La plupart de ces thèmes sont des compositions de Monk (bien que l’étiquette lui attribue la paternité de « In Walked Bud », on reconnaît facilement « Blue Skies »). Il est l’auteur [sic] de plusieurs morceaux bien connus, nous voulons parler d’ « Emanon » (anagramme de No Name), de « 52nd Street Theme » (un autre enregistrement de Dizzy), et il a écrit les harmonies de « Dynamo A ».

Il est difficile de mesurer l’apport de Thelonious Monk à la Nouvelle École de Jazz; il s’y rattache évidemment par son parti pris à faire du neuf, mais son imagination semble l’avoir entraîné plus loin que les autres adeptes du « new sound ».

Les années à venir nous permettront de juger si ces disques influenceront comme Monk dit l’espérer, les jeunes musiciens américains et lui amèneront de nouveaux disciples.
« Thelonious Monk » par J.J. [Jean-Jacques] Finsterwald et J.F. [Julien-François] Zbinden, Jazz-Revue in Jazz-Hot, N° 32, 15e Année (2e Série), avril 1949, p. 36.

Hot Club Magazine in Jazz-Hot; Surrealist poet Carlos de Radzitzky reviews Blue Note imports (NB reference to Giorgio de Chirico):

[Importation] Blue Note, Thelonious Monk Trio / Quartet / Sextet BN 549 : Ruby My Dear / Evidence - BN 542 : Suburban Eyes / Thelonious - BN 547 : Evonce / Off Minor

On a dit qu’Alfred Lion, en enregistrant Monk, commettait un suicide financier. J’espère bien qu’il n’en est rien, et je salue le valeureux et entreprenant Alfred, qui n’a pas hésité à jouer une carte certes peu commerciale, mais combien passionnante pour l’amateur de jazz. Dans un précédent « Jazz-Hot » on nous a raconté beaucoup de choses sur le fantasque Thelonious et sa musique. Ces disques constituent une excellente illustration de l’article en question. Chaque face a son charme personnel, et nous montre le Grand Prêtre du Bop sous divers aspects : tendre et romantique dans Ruby, erratique dans Evidence, où il dialogue avec Milt Jackson, plaquant d’incroyable accords derrière le vibraphone et construisant un solo d’une étonnante simplicité, mais que l’on sent limité par sa technique, curieusement buté dans ses variations d’ « Off Minor », qui tournent autour d’un complexe vaguement debussyste, original et inspiré dans ses passages en solo dans les trois autres faces enregistrées avec un petit ensemble de studio.

Les différents solistes qui l’entourent ne sont pas de grandes vedettes, mais on aurait tort de sous estimer le travail d’Idrees Sulieman à la trompette et de Danny Quebec à l’alto. Dans toutes ces faces, Blakey et Gene Ramey, à la basse, fournissent un soutien très étoffé, bien que parfois un peu bruyant.

J’aime le thème (et le titre surréaliste) de Suburban Eyes, et le solo de Monk qui s’en écarte d’ailleurs d’une manière vraiment stupéfiante, ainsi que celui du verso, où Monk construit tout son solo autour d’une note qu’il atteint de cent manières différentes, s’en écarte et y revient en laissant à sa main gauche le soin de fournir la couleur. On notera aussi, dans Thelonious, que Monk a un swing bien personnel, une consistance rythmique qui ne ressemble à aucune autre.
« American Records par Carlos de Radzitzky », Hot Club Magazine in Jazz-Hot, N° 42, 16e Année (2e Série), mars 1950, pp. 46, 47.

[Importation] Blue Note, Kenny Pancho Hagood & T. Monk Quartet BN 1201 : I Should Care / All the Things You Are

L’ancien chanteur de Dizzy, dans deux interprétations à la Billy Eckstine, avec de-ci de-là quelques touches de Sarah Vaughan. Agréables ballades, relevées par l’intrigant accompagnement du quartet de Monk, dans lequel Milt Jackson vient jeter une note claire. Le solo de Monk sur Should est d’une aimable ingénuité.

[Importation] Tadd Dameron Sextet BN 1564 : Symphonette - Thelonious Monk Quartet BN 1564 : I Mean You

Symphonette, une jolie composition de Dameron, date de la même session que Jahbero, et l’étiquette présente les mêmes devinettes. Le trompette semble bien être Navarro, mais le second ténor est plus difficile à identifier. Allen Eager, sans doute. Qu’importe, les solos sont bons et l’accompagnement de Kenny Clarke particulièrement brillant. I Mean You est un thème de Monk et de Hawkins, que celui-ci a enregistré sur « Sonora », avec Navarro. L’interprétation de Monk, toute en déhanchement en accords bizarrement plaqués çà et là, en harmonies prodigieusement déroutantes, est assez intéressante, mais plutôt dure à avaler. Ce qui frappe chez Monk, c’est cette espèce d’obstination rythmique, ce perpétuel choc/écho des notes qui crée une obstination envoûtante. La représentation visuelle de la musique de Monk donne l’impression de marcher dans un tableau de Chirico.
« American Records par Carlos de Radzitzky »,Hot Club Magazine in Jazz-Hot, N° 43, 16e Année (2e Série), avril 1950, p. 37.

[Importation] Blue Note, Thelonious Monk “Genius of Modern Music” LP 25 cm LP 5002 ‘Round Midnight / Off Minor / Ruby, My Dear / I Mean You / Thelonious. Epistrophy / Well, You Need’nt / Misterioso

Voilà une anthologie qui ferait bien de figurer dans toute discothèque d’amateur de jazz moderne. Nous avons déjà ici même, parlé de ces enregistrements, parus en 78 t. Profitons de leur réédition en LP pour insister sur l’intérêt considérable qu’ils représentent. Monk, dont les possibilités techniques sont fort limitées, s’est créé un style dont tout l’attrait réside dans les modifications harmoniques intrigantes, les subtilités tonales, l’articulation imprévue du phrasé, la ligne générale de l’improvisation. Son jeu, déroutant au premier abord, se révèle très attachant. Et il possède une sensibilité très délicate, comme en témoignent des œuvres telles que Ruby, ‘Round about, etc. Les formations qui l’entourent ici valent surtout par l’impeccable tenue des rythmes : y figurent des gars comme Art Blakey, Gene Ramey, etc. Dans certains morceaux, Milt Jackson s’entend splendidement avec Monk : c’est le « common spirit » qui agit. Les thèmes, pour la plupart excellents, sont tous de Monk.
C. de R.
« Jazz Collector’s Guide par Carlos de Radzitzky », Hot Club Magazine in Jazz-Hot, N° 81, 19e Année (2e Série), octobre 1953, p. 35.

« …Nous sommes heureux d’annoncer que le 3^e Salon du jazz se déroulera en mai 1954 à Paris, selon une formule entièrement nouvelle. Nous donnerons ici toutes précisions voulues en temps utile… »
[Editorial] « Le 3^e Salon du jazz en mai 1954 », Jazz-Hot, N° 82, 19e Année (2e Série), novembre 1953, p. 7.

« Le IIIe Salon du jazz »

« Le 3e Salon du jazz qui clôturera la saison 1953-1954, se déroulera du 30 mai au 7 juin, à la Salle Pleyel. Si le salon proprement dit n’a pas, peut-être, l’ampleur des précédents, par contre les spectacles prévus pendant ces huit jours, avec la participation de plusieurs groupements américains, seront dignes des précédents Festival de jazz… »
« Jazz-Hot Magazine : En France », Jazz-Hot, N° 85, 20e Année (2e Série), février 1954, p. 21.

« Le 3e Salon du jazz se tiendra du 1er au 7 juin 1954 à la Salle Pleyel, c’est à-dire pendant la dernière semaine de la Foire de Paris qui se termine avec les vacances de la Pentecôte; cela permettra sans nul doute à de nombreux amateurs de province et de l’étranger de faire le déplacement de Paris… »
[Editorial] « 3e Salon International du jazz », Jazz-Hot, N° 86, 20e Année (2e Série), mars 1954, pp. 7, 20, 21.

[3 Illustrations par David Gil des décors du] « Paris - 1 au 7 juin 1954 : 3e Salon International du jazz…l’immense Cabaret tel qu’il apparaître aux visiteurs de cette grande manifestation…2 aspects du Hall de la Salle Pleyel transformée en « Cité du jazz ».
« Jazz-Hot Magazine », Jazz-Hot, N° 86, 20e Année (2e Série), mars 1954, p. 20.

« Merci de sa lettre à C. B. Peytavin. —Il me demande la chose suivante : « Pour le 3e Salon du jazz, on parle de faire venir des gens à la mode du jour, c’est-à-dire surtout Gerry Mulligan et ses joyeux plaisantins … »
« Revue de Presse par Boris Vian », Jazz-Hot, N° 87, 20e Année (2e Série), avril 1954, p. 19.

“Paris, Wednesday [April 7],—Thelonious Monk, pioneer bop pianist, has definitely been signed up for the Salon de Jazz (the Paris Jazz Fair), which will be held from June 2 to 7.
Negotiations are also proceeding for the Gerry Mulligan Quartet (with a trombone in place of trumpeter Chet Baker), former Cab Calloway trumpet man Jonah Jones, and the orchestra of Germany’s ‘Stan Kenton,’ Kurt Edelhagen.”
“Thelonious Monk for Paris Jazz Salon,” Melody Maker, Vol. 30, N° 1073, April 10, 1954, front page.

Exposition industrielle et commerciale

Le IIIe Salon du Jazz se distinguera des précédents, comme d’ailleurs de toutes les expositions industrielles et commerciales, par son aspect exceptionnel. En effet, l’ensemble des stands sera présenté suivant un thème unique : un décor inspiré par les vieux quartiers de la Nouvelle-Orléans.

Les deux précédents Salons avaient prouvé non seulement l’intérêt, mais également la nécessité d’une telle manifestation, tant sur le plan artistique que sur le plan industriel et commercial. En effet, elle donne l’occasion aux musiciens comme aux professionnels de la Musique, qu’ils soient fabricants ou revendeurs, de se rencontrer, d’apprécier les derniers perfectionnements techniques, ainsi que toutes les nouveautés réalisées dans leur domaine. Du plus haut intérêt pour le musicien amateur ou professionnel, cette exposition lui permet de faire son choix en connaissance de cause, puisque toute la production est soumise à son jugement.

On connaît le prestige dont jouissent mondialement les instruments fabriqués en France. Aussi toutes les grandes firmes participeront-elles à ce Salon. De son côté, le disque, qui tient une si grande place dans l’illustration de la musique de jazz, sera brillamment représenté. Toutes les firmes phonographiques, qui s’intéressent de plus en plus à cette musique, seront là. Un effort particulier sera même fait par certains éditeurs puisque, à l’occasion du Salon, les amateurs pourront se procurer des enregistrements encore inédits.

Grâce à sa présentation spectaculaire et à son ampleur, cette exposition attirera également le grand public et contribuera ainsi à mieux faire connaitre la musique de jazz et, par conséquent, à développer les industries et commerce qui s’y rattachent.
Manifestations artistiques

Toutes les manifestations du IIIe Salon du Jazz se dérouleront dans le cadre même de la Salle Pleyel.

De nombreux concerts auront lieu chaque jour dans la grande salle avec les différents solistes spécialement venus des États-Unis : Thelonious Monk, l’un des principaux promoteurs du jazz contemporain, le trompettiste Jonah Jones et « la plus sensationnelle révélation de 1953 », le quartette de Gerry Mulligan. Bien entendu, le populaire Sidney Bechet, Mary Lou Williams, Albert Nicholas, Don Byas et plusieurs autres artistes américains actuellement en Europe se joindront à ces vedettes. L’Italie nous enverra le « Roman New Orleans Jazz Band », l’Allemagne son meilleur orchestre : celui de Kurt Edelhagen, avec ses dix-sept musiciens, etc. Plusieurs groupements français sont également prévus.

Les demi-finales et finales du Tournoi des Orchestres amateurs se dérouleront les 5 et 6 juin, en matinée.

Les jours de semaine, des films seront projetés en matinée.

Un grand cabaret permettra aux amateurs, les concerts terminés, d’entendre les musiciens dans une ambiance différente. Ils n’auront pas ainsi à courir les quatre coins de Paris à la recherche de problématiques Jam sessions.

De nombreux voyages par groupes, facilités par les vacances de la Pentecôte, sont organisées, venant aussi bien de l’étranger que de province.
« 3e Salon International du Jazz : Sous le haut patronage de Monsieur le Ministre de l’Industrie et du Commerce, Paris, 1er au 7 juin 1954, Salle Pleyel », Jazz-Hot, N° 88, 20e Année (2e Série), mai 1954, pp. 8, 9.

(même dossier de presse)
« Le 3e Salon International du Jazz : Du 1er au 7 juin Paris sera le centre mondial du Jazz »
Combat, N° 3075, lundi 24 mai 1954, p. 6.

«…La liste définitive des artistes américains, européens et français appelés à participer aux différentes manifestations prévues, ainsi que les jours et les horaires de leur passage sera précisée ultérieurement dans la Presse, en particulier : Le Figaro et dans Jazz-Hot de mai 1954. Un numéro spécial de J.H. sera du reste édité à l’occasion du Salon et vendu dans son enceinte.
Le Comité d’Organisation se réserve le droit de modifier l’ordre des différentes manifestations (toute modification sera du reste publiée en temps utile dans la Presse). »
« Programme des manifestations artistiques », Jazz-Hot, N° 88, 20e Année (2e Série), mai 1954, pp. 8, 9.

Finally, the long-awaited French feature article presenting Thelonious Monk in Jazz-Hot appears the month before, penned by Ny Renaud. It would be thanks to Ny and Henri Renaud that Monk would be present at the Salon:

En 1941, au cours d’une nuit au Minton’s, un jeune inconnu joua sur I Surrender Dear un chorus propre à faire pâlir n’importe quel pianiste d’aujourd’hui. Jerry Newman, l’homme des « Charlie Christian Memorial Albums » possède ce document qui vaudrait d’être publié, tant il est ahurissant d’y trouver tout ce qu’ont employé des centaines de musiciens quelques années plus tard : le jeu de main gauche, la marche harmonique, les variations mélodiques, les trouvailles rythmiques, tout y est, avec une incroyable avance…

Cet homme était Thelonious Monk.

Ce soir là, Thelonious fut sans doute visité par l’esprit créateur, car son chorus lui plaisait à tel point qu’il en réclamait toujours l’écoute à Jerry Newman, n’ayant jamais encore, disait-il « entendu jouer ainsi du piano » (cela eut l’effet malheureux d’user le disque souple et d’en empêcher la sortie commerciale).

Monk se doutait-il alors de la portée de ses trouvailles? Non sans doute, pas plus que le drummer Kenny Clarke qui l’assistait toutes les nuits dans le groupement de Joe Guy. Tous deux on pourtant amorcé le renouvellement rythmique et harmonique que la musique de jazz devait connaître en 1944-45. Il est d’ailleurs ahurissant d’entendre les parties de Kenny et de Thelonious au milieu de ces jam-sessions où se réunissaient autour d’eux des gens comme Joe Guy ou Al Sears…

Monk commença à jouer du piano à l’âge de 11 ans, apprenant seul, sans le secours d’un professeur. Peu de temps après, il tint l’orgue dans une église, pendant deux ans. Thelonious précise qu’il ne sait pas si cela l’a aidé pour le piano, ou au contraire… Vers 15 ou 16 ans, il se met au jazz écoutant alors Tatum, Fats Waller, Hines, Wilson, J.-P. Johnson, C. Hopkins. Et, dit-il : « J’était tellement fatigué des accords entiers de la musique religieuse que j’avais besoin d’entendre autre chose. C’est pourquoi j’inventais de nouvelles mélodies avec des accords inédits, sur des rythmes qui me venaient librement, sans y penser… »

Cela donna ce que l’on sait. Et, vers 1942, Monk enseigna beaucoup de choses à Dizzy Gillespie, qui les transmit ensuite à ses premiers jeunes partenaires, tels George Wallington, Milt Jackson, etc.

On sait aussi que tous les jeunes jazzmen se pressèrent au Minton’s durant les années 1942-44 pour y entendre les pionniers de la musique moderne. Duke Jordan reporte qu’il y retrouvait John Lewis, Al Haig, Walter Bishop et Bud Powell. Ce dernier, de plus, se rendait chaque jour à la maison de Monk et Thelonious dit que « Si Bud était plus bavard, il pourrait raconter tout ce qu’il y apprit. »

Interrogez tous les musiciens modernes, de tout âge et de tout style. Demande à Gillespie ou B. Brookmeyer, Teddy Wilson ou Horace Silver, Sonny Rollins ou Al Cohn ce qu’ils pensent de Thelonious. Tous vous diront quelle admiration enthousiaste ils ont pour lui.

Aussi, pourquoi le nom de Monk n’est-il pas plus répandu dans le grand public? Pourquoi aussi n’est-il pas plus apprécié en Europe, par les musiciens mêmes? Parce que sa musique est aussi anti-commerciale que difficile à apprécier, aux premières auditions. La critique américaine, un fois de plus, a fait montre d’une incompréhension totale envers cet incomparable créateur. La publicité la plus normale ne lui a jamais été faite. Et ceci, il faut le préciser, n’est pas étranger à sa couleur de peau. Car, quoiqu’on en dise, si les noirs aux États-Unis ont conquis de force certains droits, au fond des esprits le racisme reste encore vivace. Ne prenons pour exemple que le cas de Clifford Brown. C’est le meilleur trompette actuel. Bénéficiera-t-il un jour de l’énorme publicité qu’on a faite à Chet Baker^[•]?

Le style de Monk est anti-commercial, disions-nous. En effet, il est aussi « fermé » au public qu’est facile celui de Shearing. Autant le pianiste anglais joue une musique bien « emballée », autant celle de Monk est rude. La conception rythmique shearingienne est aussi linéaire et monotone que celle de Thelonious est vivante et variée. On peut comparer la musique de Shearing à une production hollywoodienne en technicolor, avec tout l’affadissement désiré. Celle de Monk au contraire est celle d’un artiste puissant. L’une est jolie, l’autre est belle.

Les découvertes harmoniques et rythmiques que Monk fit il y aura bientôt quinze ans ont été en partie assimilées et l’on peut dire même qu’aujourd’hui elles sont standardisées. Mais, sous les doigts de Monk, elles restent neuves. Car Thelonious utilise des renversements originaux et rythmiquement surtout il est nettement resté le musicien le plus audacieux. En effet, ses phrases sont truffées des accentuations les plus inusitées et les plus inattendues. C’est sans doute par cela que son jeu rayonne si intensément. À ce propos, nous ne saurions mieux faire que de citer ce que disait récemment Teddy Wilson dans « Down Beat » : « Monk est le pianiste le plus à l’aise dans les tonalités inhabituelles et les rythmes complexes. Il n’a pas assez de technique pour pouvoir communiquer à tout le monde tout ce qu’il a à dire, mais je suis toujours formidablement impressionné par son sens parfait du tempo. »

Thelonious n’a évidemment pas une technique à la mesure de son talent. Il avoue lui-même qu’il est trop paresseux pour travailler son instrument, et c’est peut-être mieux ainsi car, nanti d’une articulation classique, Monk n’aurait sans doute pas eu cette manière indescriptible de frapper la note.

Teddy Wilson ne parle pas de la sonorité de Thelonious sur laquelle nous devons insister tant elle est belle. C’est assurément l’une des plus émouvantes, particulièrement à l’audition directe, car la majorité des disques la rendent mal. Ainsi l’album Prestige en trio, a été mal enregistré et médiocrement pressé, ce qui fait sonner le piano d’une manière étrangement « fêlée ». Par contre, les premiers enregistrements faits pour Blue Note (publiés en France par Vogue) mettent bien en valeur la sonorité de Monk.

D’ailleurs, dans quelque semaines, le public parisien sera à même d’apprécier tant la sonorité que tout le jeu de Monk. En effet, la salle Pleyel, où se sont produits nombre de grands solistes, aura cette fois sur sa scène l’ « une des plus puissantes personnalités du jazz », dont, sans nul doute, le style « passera la rampe » tant il reste frais. Car que ce soit au studio ou dans un club, Thelonious, dès qu’il s’assied au piano, n’est plus le même homme. Aussi renfermé que calme et paresseux auparavant, il semble entrer en transe dès les premières notes, chantonnant, « vivant » tout ce qu’il joue. Œuvre à la fois complexe et sauvage dont on constate, après que l’on soit familiarisé avec elle, tout ce que lui doivent les jazzmen actuels. Pensons seulement qu’il écrivit Off Minor en 1942… On sait d’ailleurs quel compositeur fécond est T. Monk.

Son morceau le plus connu, ‘Round about Midnight, reste l’une des plus grandes réussites de la musique de jazz. Il est fort regrettable que Thelonious n’en ait pas enregistré une version en solo, plutôt que la gravure en quintette, où comme l’on sait, le trompettiste et l’altiste sont assez médiocres.

Parmi ses meilleurs œuvres, citons également Ruby My Dear, Reflections.

En ces temps de standardisation musicale, Thelonious Monk donne un bain de jouvence à tout ce que nous avons l’habitude d’entendre parce qu’il évite toujours instinctivement le cliché rebattu, qu’il a une manière unique de transformer et d’enrichir à la fois n’importe quelle mélodie par la seule vertu d’un phrasé unique. Par dessus tout, c’est un swingman hors de pair.

Tous ces éléments font que les plus « avancés » des progressistes sont encore dépassés par Monk. Prisonniers de quelques formules, ils deviennent rapidement lassants. En écoutant les disques de Thelonious, au contraire, on découvre toujours quelque détail nouveau, quelque trouvaille qui avait échappé aux auditions précédentes, tant est riche en dons créateurs ce grand musicien.

Souhaitons que sa venue en Europe lui donne la place qui lui revient : celle d’un des novateurs les plus importants et d’un des pianistes les plus originaux.
N. Rémy
« Thelonious Monk par N. Rémy [Ny Renaud] », Jazz-Hot, N° 88, 20e Année (2e Série), mai 1954, pp. 13, 19.

In the November 1953 issue of Jazz-Hot, Henri Renaud confided in Marcel Romano:

«…L’audition des disques de George Wallington, puis d’Horace Silver m’a fait découvrir Th. Monk. J’avoue, à ma grande honte, n’avoir pas compris sa musique jusqu’alors : c’est pourtant la base de tout. En effet, que l’on aime ou pas non Monk, il faut bien reconnaître qu’harmoniquement et par son jeu de main gauche, il est le fondateur du style de piano d’aujourd’hui. Au fond, il y a deux personnalités de base : Lester et Monk. Leurs influences combinées ont donné Parker, Bud Powell, etc…»
« Henri Renaud par Marcel Romano », Jazz-Hot, N° 82, 19e Année (2e Série), novembre 1953, p. 18.

The following month in Jazz-Hot March 1954, Ny Renaud followed the article by Henri in the column "News of America”:

« …Voilà pour le Birdland. Quant aux clubs ouverts seulement pour le week-end, le Tony’s Café, à Brooklyn est sans nul doute le plus intéressant. Jugez-en par les programmes présentés depuis Noël : Kenny Dorham Quintet (A. Blakey-D. Jordan), Thelonious Monk Quintet (S. Rollins, Willie Jones, dm)… Cependant la prestation de Thelonious Monk au Tony’s est une chose remarquable parce que Monk ne se produit que très rarement, ce que l’on doit regretter vivement, car Thelonious, en pleine maturité, joue une musique originale (au vrai sens du mot). Comme le faisait récemment remarquer Teddy Wilson, “c’est le pianiste le plus à l’aise dans les tonalités étranges et les rythmes excentriques. Il n’a pas assez de technique pour pouvoir communiquer à tout le monde tout ce qu’il a à dire, mais je suis toujours formidablement impressionné par son sens parfait du tempo.” On peut ajouter à cela que la sonorité de Monk est délectable, qu’il swingue continuellement et qu’avec le recul il est aisé de voir tout ce que lui ont pris des pianistes comme Bud Powell pour ne citer que celui-là… Thelonious est accompagné à la batterie par Willie Jones, un jeune drummer de la lignée de Blakey, quoique possédant un style assez personnel notamment quant à la puissance de frappe et à l’esprit de ses soli, d’une sauvagerie qui évoque réellement les rythmes africains… »
« Jazz-Hot Magazine : Nouvelles d’Amérique par N. Rémy [Ny Renaud] », Jazz-Hot, N° 86, 20e Année (2e Série), mars 1954, p. 20.

Henri would also talk about Thelonious Monk at Tony's Café in an interview published in October 1954:

« …On retrouve tous ces musiciens les lundis dans les petits clubs qui n’ouvrent que pour le week-end, l’ « Open Door » et le « Chantilly », au Greenwich Village, et le « Tony’s Café » à Brooklyn, une toute petite boîte qui rappelle un peu le « Kentucky », perdue dans le quartier noir de Brooklyn, et qui présentait, la première fois que nous y sommes allés, le Quintette de Thelonious Monk, avec Sonny Rollins et un extraordinaire jeune batteur, Willy Jones. Nous étions là les seuls blancs, ma femme et moi, parmi une foule de jeunes noirs qui dansaient, prouvant ainsi, s’il en était encore besoin, qu’on peut danser sur la musique de Monk. Une autre fois, j’ai eu la chance d’assister à une session inoubliable où, toujours autour de Monk, étaient réunis Miles Davis, Gigi Gryce, Charlie Mingus et Max Roach… »
« Trois mois à New York : Une Interview d’Henri Renaud par J. Lachelier [possibly a pseudonym] », Jazz-Hot, N° 92, 20e Année (2e Série), octobre 1954, p. 15.

No information appears in Jazz-Hot about Monk coming to the 3rd Jazz Show during the Renauds' stay in New York, nor about their role in Monk's visit. The following was in 1959, with Henri Renaud answering Philippe Kœchlin's questions in an interview devoted to his second trip to New York:

« Avez-vous vu Monk?

—Non, pas cette fois. En 1954 je l’avais beaucoup fréquenté. J’étais allé souvent chez lui et ma femme et moi avions même arrangé sa venue au Festival de Paris [Salon du Jazz] de la même année…

Souvenez-vous que Jazz Selection avait publié ses premiers disques Blue Note en 1949, disques qui n’avaient eu aucun succès auprès de la critique, pas plus que sa prestation à Pleyel où il avait magnifiquement joué (les disques enregistrés au cours des retransmissions de radio faites pendant le Festival le montrent bien).

Laissez-moi vous dire que son comportement sur scène, jugé anti-commercial à l’époque, ‘passerait’ maintenant la rampe et serait sans doute qualifié d’original. »
« Henri Renaud : « New York reste vraiment la ville du jazz », propos recueillis par Philippe Kœchlin », Jazz-Hot, N° 148, 25e Année (2e Série), novembre 1959, p. 17.

Jacques André, who wrote a jazz column for Combat, announced the Salon in the daily press, but left it to his friend Jacques Sautès to make reference to Monk the following day:

Voici enfin l’événement le plus marquant de ces deux dernières années jazzistiques : le 3e Salon du Jazz. Ainsi, sans interruption, quelques-uns des plus célèbres musiciens français et étrangers se feront entendre du 1er au 7 juin à la Salle Pleyel.

Dans le hall de cette imposante salle de concerts se tiendra le salon proprement dit, exclusivement réservé aux exposants : Éditeurs, compagnies de Disques et d’instruments de musique, expositions de toiles et photographies inédites etc… Ces stands, étudiés de façon à évoquer une rue de la Nouvelle-Orléans, auront nécessité l’emploi de 3.000 m2 de contre-plaqué pour leur construction.

A premier étage, la salle de Judo à été transformée en cabaret-dancing du plus pur style New-Orléans. Mais que les amateurs de jazz se rassurent, malgré le cadre, ils pourront y entendre du jazz « primitif » aussi bien que du « jazz évolué ». C’est en effet dans ce cabaret que Bobby Forest présentera de 16 h à 19 h 30 et de 23 h à 2 heures du matin, toutes les vedettes prévues au salon. C’est là que, pour la première fois, l’Académie du Jazz décernera son « oscar » du meilleur disque de jazz de l’année, vendredi prochain à 13h 30. Au cours de cette manifestation, où tous les amateurs de jazz sont invités, l’Académie au grand complet révélera le nom du musicien qui obtiendra le prix Django Reinhardt. Prix destiné à récompenser le meilleur soliste français de l’année.

Ajoutons pour les chasseurs d’autographes que Thelonious Monk, Gerry Mulligan et Jonah Jones arriveront aujourd’hui à 12h 30 à Orly.

La participation française

La presque totalité des musiciens français les plus réputés se fera entendre au cours des concerts : Martial Solal et son trio, Henri Renaud qui, avec trois formations différentes jouera des arrangements d’Al Cohn, Pierre Michelot avec Roger Guérin, Benny Vasseur, René Urtreger et quelques autres présentera un orchestre qui swingue, Michel de Villers, Géo Daly et l’orchestre de la Rose Rouge interpréteront les fameux arrangements de Christian Chevalier. La nouvelle génération sera représentée par Hubert Fol, Sacha Distel, J.-M. Ingrand, J.-L. Viale et René Urtreger. En « Nouvelle-Orléans », Luter, Attenoux, Braslawsky et Réwéliotty se partageront les honneurs.

La sensationnelle grande formation d’Aix Combelle sera également présente, tandis que Jack Diéval se produira avec l’orchestre se la radio sarroise.

Applaudissons donc les efforts des organisateurs. Efforts qui permettront à ces brillants musiciens de jouer la musique qu’ils aiment sans la moindre concession.

Participation européenne

Comme pour chaque festival, nous sommes heureux d’enregistrer la participation de différents groupements européens de premier plan inédits pour le public français.

La Sudwesrfunk envoie l’orchestre de Kurt Edelhagen, que beaucoup considèrent comme la meilleure grande formation européenne, et dont on appréciera certainement la perfection technique.

Max Bruel, le rival danois de Lars Gullin, dirigera une des meilleures formations scandinave et représentera pour la première fois le Danemark en France.

La fédération britannique du Jazz délègue Joe Harriott, un alto noir, et le Tony Kinsey Trio, qui vient de se distinguer récemment à Londres et qui comprend le vibraphoniste Bill Le Sage, le bassiste Sammy Stokes, Kinsey étant à la batterie.

Notons que pour la première fois—sur la base d’échange—un orchestre français, celui de Michel Attenoux, ira donner un concert à Londres le 7 juin.

De Suède, un orchestre amateur vient disputer les finales du Tournoi international.

Signalons enfin que la R.A.I. (Italie), la Radio danoise, la Sudwestfunk (Allemagne), l’I.N.R. (Belgique), Sarrebruck, la B.B.C., Radio-Tanger et la Radio française, retransmettront des extraits des concerts du Troisième Salon du Jazz.

Les trois étoiles

La participation américaine sera naturellement la plus attendue. Ne parlons pas de Sidney Bechet, Albert Nicholas, Nelson Williams, Peanuts Holland, Don Byas et Mary Lou Williams que nous connaissons déjà et que nous retrouverons avec le même plaisir. Ces musiciens seront certainement moins entourés que les trois étoiles de cette série de manifestations : Gerry Mulligan, Thelonious Monk, Jonah Jones.

Le nouveau quartette de Gerry Mulligan se compose actuellement de Bill Anthony (basse), Frank Isola (drums) et Bob Brookmeyer (trombone). Ce dernier remplace le trompette Chet Baker. Avec son groupement aux formules avancées, Gerry Mulligan est le musicien qui a révolutionné le monde du jazz au cours des mois précédents. Soliste, arrangeur, compositeur et chef de file, gageons qu’il passionnera le public par ses nombreuses qualités.

Jonah Jones se classe dans cette catégorie de musiciens talentueux qui ne se sont jamais imposés par manque de publicité. Pourtant il possède plusieurs qualités souvent enviées des autres solistes parfois plus connus du public. Sa belle sonorité, son attaque puissante, ses nombreuses idées, tout cela fait partie de son jeu délectable.

Bref, comme vous le voyez, il y en aura pour tous les goûts et je suis persuadé que le Troisième Salon du Jazz sera pendant longtemps l’objet de nos conversations.
« Le troisième Salon du Jazz : Les plus célèbres musiciens français et étrangers accueilleront plus de 150.000 visiteurs », par Jacques André, Combat, N° 3081, lundi 31 mai 1954, p. 2.

Aéroport d’Orly, Seine

All the American musicians who came from the USA to take part in the Salon arrived in Paris on the same flight, Air France 076, on Monday, May 31, 1954^[•]: Elliott Jones, Gerald Mulligan and wife Arlyne Mulligan, Frank Isola, Robert Brookmeyer, Keith Mitchell, and Thelonious Monk. As for Don Byas^[•], Buddy Banks^[•] Art Simmons^[•], Sidney Bechet^[•], Jimmy Gourley^[•], Nelson Williams^[•], Jay Cameron^[•], Mary Lou Williams^[•], Albert Nicholas^[•] and Lalo Schifrin^[•], they were already in Paris.

The American visitors returned separately: first Robert Brookmeyer, Frank Isola and Keith Mitchell, on Tuesday, June 8^[•], followed by Thelonious Monk on Thursday June 10^[•], then Arlyne and Gerald Mulligan on Sunday June 13^[•], and finally Elliott Jones on Friday, September 24^[•].

The author of the sleeve notes for the 10” LP Thelonious Monk Piano Solo, Swing M. 33.342, probably Charles Delaunay, would report this anecdote^[•]:

« On peut se rapporter à ce propos l’anecdote de Bob Brookmeyer—un fanatique de Monk—qui déclarait à sa descente d’avion à Orly : —Rendez-vous compte, je viens de faire le voyage assis à côté de Thelonious! »

Rue La Boétie, Paris VIII

Probably dropping off the luggage at the hotel.

Rue du Sommerard, Paris V

Jean-Louis Viale and Jean-Marie Ingrand, and later Marcel Romano, meet Thelonious Monk at the hotel of the singer Al "Fats" Edwards^[•] rue du Sommerard, that same day:

« Un beau soir, à huit heures, nous arrivons comme d’habitude à la porte de son immeuble. Un grand Noir béret vissé sur l’oreille, était en pleine discussion avec le concierge qui ne parlait pas un traître mot d’anglais. Nous ayant aperçus, il nous demande si nous connaissons « Fats », et si nous pouvons le conduire chez lui. Il nous explique qu’il avait eu son adresse de New York, et qu’il était très impatient de le rencontrer. Ayant reconnu Monk tout à fait par hasard, nous gravissons l’escalier qui devait nous amener chez Fats, tandis que Monk nous apprend qu’il était arrivé le matin même à Paris pour jouer au festival, et qu’on allait lui adjoindre une rythmique française. J’étais alors à cent lieues de penser que cette rythmique…ce serait moi! Je ne devais apprendre qu’au Blue Note [Ringside^[•]], le soir même, que Viale et moi avions été sélectionnés pour accompagner Monk pendant ses concerts. »
Jean-Marie Ingrand, correspondence with François Positif, 1991, in Jacques Ponzio et François Positif. Blue Monk: Un Portrait de Thelonious. Arles: Actes Sud, 1995, p. 135.

« …et voilà j’étais son manager [le manager de Al « Fats » Edwards], en fait c’était entre parenthèses, il faisait ça un petit peu pour me rendre service… il m’invitait à déjeuner et à dîner souvent, moi et mon copain, et un jour j’arrive donc, c’était au début du moi de juin, j’arrive je vois un gros bonhomme noir qui était en train de fumer dans un narguilé…
—Tiens je te présente un ami », et l’ami en question c’était Thelonious Monk, alors bien entendu on a tout de suite sympathisé…on commence à parler, il venait de descendre de l’avion…
—Où est-ce que tu habites?
—Je ne sais pas, voilà… telle adresse », je parlais peu l’anglais, mais mon copain parlait mieux, donc on commence à faire le tour de Paris on était au quartier latin et en marchant on lui fait connaître Paris, on descend le boulevard Saint-Germain on va jusqu’au pont, Chambre des députés, on le fait revenir à pied jusqu'à la rue La Boétie à l'hôtel où il habitait… il dit :
—Nice, nice, je voudrais connaître ceci, je voudrais connaître cela… » Je lui dis :
—Bon je viendrais te chercher… »
Marcel Romano, conversation with Dominique Cravic, Monday, August 4, 1997, Le Wepler, 14, place de Clichy, Paris 18. Audio recording.

In Combat, Jacques Sautès, a young surrealist and Monk advocate^[•], presents Thelonious Monk:

Les organisateurs du salon du jazz ont réservé une surprise agréable à quelques fervents du jazz moderne. En effet, Thelonious Monk vient se présenter au public français. Quelles vont être les réactions de ce public à l’audition de la musique de cet artiste, si insolite.

Monk tente une gageure.

Il y a en effet peu d’admirateurs véritables de Monk. D’un côté le public initié, qui le connaît, mais qui tout en reconnaissant que Monk est un « type remarquable » trouve également qu’il est un musicien surfait, aux idées très réduites, cachant sa pauvreté d’inspiration, son incapacité musicale derrière un paravent d’originalités sans grandeur. Ensuite la masse des amateurs de jazz, qui elle ne connaît pas Monk et qui a priori adopte l’impression émise par l’autre faction.

Par cela vous comprendrez aisément que les admirateurs de Monk ne sont pas légion. Et comme ces admirateurs ne cherchent pas à démontrer son talent, Monk reste l’artiste peu connu qu’il est actuellement en France.

Sans vouloir le poser en génie incompris je suis persuadé que le talent de Monk n’a pas reçu la consécration qu’il mérite. Si ces qualités dans le domaine musical pur sont discutables pour certains, elles sont complètes dans le domaine plus réservé d’une expression entièrement vouée à la poésie. Monk n’est pas un virtuose mais un créateur. Il entre dans un cadre qui dépasse le jazz, et il me parait que pareillement à Ellington, il bâtit un monde immatériel. Autant pour Monk, que cela est vrai pour Ellington, le jazz pour eux n’est pas le but, mais le moyen d’arriver à une chose fragile et impalpable à une expression essentiellement surréaliste. Quel regret que Monk ne soit pas comme tout le monde! Il lui manque le sens de l’opportunité mis au service d’une imagination astucieuse, qu’un Dizzy Gillespie en jouant sur les bizarreries extérieures de l’école bop a su exploiter.

Et pourtant, il semble que l’on se trouve en présence du créateur véritable du be-bop, Monk n’est pas arrivé à faire admettre par lui cette musique, mais il a transmis le flambeau à d’autres musiciens.

La source de cet échec n’est-elle pas dans le non-conformiste que Monk affiche avec tant d’indifférence? Je ne saurais mieux vous démontrer cet état d’esprit que par l’anecdote que rapporte Paul Bacon (Jazz-Hot) et que voici, à peu près :

Lors s’un concert donné au Golden Gate à Harlem, en 1947, Th. Monk à la tête d’un sextette bop arriva joyeusement sur la scène après l’audition d’une formation typique. Il commença à tripoter un peu le piano et constata finalement que le support des pédales n’était pas convenablement fixé, avait du jeu. Il s’installa néanmoins, mais après quelques secondes, il entreprit une série d’exercices qui parurent pour le moins bizarres : rattachait-il son lacet de soulier ou faisait-il signe à quelqu’un par-dessus le piano? Non, il tirait de toutes ses forces sur le support des pédales, d’abord en frappant de la main droite, de temps à autre un accord, puis, en s’y attaquant des deux mains; il y eut un léger craquement, puis un bruit d’arrachement et le tout lui resta dans les mains. Il jeta négligemment l’ensemble, et se mit à jouer tout naturellement.

Ne pensez-vous pas que nous croirons avoir affaire à un Chico Marx s’il lui prend fantaisie de nous jouer en plus de sa musique un tour de cette façon!

En vérité, je crois que le concert sera parfait et vous séduira, surtout si vous voulez bien suivre mon conseil : écoutez Monk en oubliant tout ce que vous connaissez du jazz; écoutez Monk et vous entendrez un homme qui s’écoute lui-même.
Jacques Sautès

Disques-Sélection

Quelques disques choisis dans l’œuvre discographique de Thelonious Monk que nous avons sélectionnés par leur richesse d’écriture et leur interprétation, parus aux éditions Jazz Selection Vogue : ‘Round about Midnight (J.S. 523), Misterioso (J. S. 542), Off Minor (J. S. 557), Criss Cross / Eronel dans le 33t. Milt Jackson (Vogue L.D. 138).
Combat, N°3082, mardi 1 juin 1954, p. 2.

First and most accurate report of the evening published four days after the event:

“‘Meeting Monk,’”

“Mulligan’s Dixie tag and the swishing of curtains had her on her feet again, but the Quartet was back in the second half with ‘Love Me or Leave Me,’ ‘Soft Shoe,’ ‘Bark for Barksdale,’ My Funny Valentine’ and “Turnstile.’

Between sets, we met the phenomenon know as Monk.

Thelonious Monk is a tall, beards Negro, with a leisurely gait. He ambled on-stage in dark blue suit and a light blue shirt and prefaced his performance with a grinning ‘Bonsoir tout le monde.’

At the piano, he paused, looked at bassist Jean-Marie Ingrand, glanced at drummer Jean-Louis Viale—and played. The resulting sounds are hard to assess.

It would be easy to dismiss Monk as a musical charlatan—but you’d probably be wrong. His playing is hammy, fascinating, trite—and interesting. It is sometimes startling, sometimes banal, sometimes both together.

‘Impish,’

His right hand stabs at the keyboard in a Chico Marx manner, apparently without flexibility. He hits with a finger and the rest of the hand arches stiffly like a fan. He hammers unrelated chords, while his feet writhe and twist on the floor. His right foot hits the pedal, misses, slips off; it poises, and bangs down sometimes on the pedal, often on the floor.

His left foot drags back and forth as though tortured. An elbowed chord sounds natural in its surroundings.

Between numbers, he is the shambling, forgetful, impish commentator. ‘Off Minor,’ he announces—and wends wearily to piano. His hands poise; he stops, retraces his steps and corrects himself: ‘Around Midnight.’

Then, in the middle of a number, he stands up and halts the rhythm. He looks at the angel faced bassist in mock astonishment and signals to the drummer to continue.

You can’t assess Monk, because there are no set standards by which to judge him.

By the normal criterion of jazz he is inferior to Martial Solal, but there may be minds attuned to his weird, Morse-like message.”
“Mulligan, Monk—and then a French Surprise: The opening concert reviewed by Mike Nevard,” Melody Maker, Vol. 30, N° 1081, June 5, 1954, p. 9.

Second report of the evening published one month after the event:

« Si Martial Solal obtint un grand succès lors du concert inaugural, il n’en fut pas de même de Thelonious Monk dont la prestation pour le moins fantaisiste ne fut pas goûté de tous. Il est vrais qu’il n’avait pas eu le temps de répéter avec la section rythmique, et que son jeu déconcerte toujours les plus initiés. »
« Le IIIe Salon International du jazz », Jazz-Hot, N° 90, 20e Année (2e Série), juillet-août,1954, p. 8.

Third (and confused) report of the evening published two years after the event:

“‘Et maintenant, Thelonious Monk,’”

A round of premature applause died away. Promoter Charles Delaunay retired from the stage. The heavy, green plush curtains of the Salle Pleyel slowly eddied back to their bases, revealing first a stationary drummer, then a stationary bass player—then an empty piano-stool.

Some seconds of delay elapsed before the object of the audience's sceptical handclap ambled into view. He came, smiling inanely, half bowing, a tall Negro dressed in a loose-fitting, medium-blue suit, sky-blue socks and shirt, taking long, seemingly tiring steps towards the microphone. Again the full smile as he surveyed the audience, a smile which conveyed no meaning.

‘Bonsoir tout le monde.’ He spoke correct but uneasy French.

Another laugh. His heavy figure lounged casually behind the microphone.

‘Je joue Well You Needn’t’ he said in a naïve way.

Again those long, ponderous steps as he trekked back to the piano. He sat, fingers on the keys, meditating, the French bassist and drummer awaiting their cue. Then he arose and retraced the long journey to the microphone. The audience, normally know for their turbulent behavior, murmured uneasy. The performer still grinned.

‘Off Minor.’ No explanation for the change of plan.

He resettled at the piano and commenced to interpret the composition he had originally written in the early 1940’s. Thelonious was in action. Fingers poised stiffly, stabbing rather than touching the keys, legs trashing wildly beneath the piano, searching for the pedal, missing it, banging the floor, body swaying, grunting audibly, arms stretching and bending as he felt for unusual chords, all but disguising the theme.

At the end of the second chorus he suddenly got up from the piano and pointed one large, banana-like finger at Jean-Louis Viale, the young French drummer. The tense, white faces of the two supporting musicians showed that they had long since abandoned all hope of a logical performance. Viale, recovering from this new shock, commenced a percussion solo, appearing somewhat relived to be musically free from the comedy which had been taking place at the piano. The large finger remained pointed at him, the sly-blue socks and suede shoed jogged rhythmically as the invention of the solo unfolded, the dark face had swiveled back to the audience and still grinned superfluously. Then, as Viale drew to a conclusion, he retreated once more to the keyboard, the playing becoming even more weird, the legs thrashing more wildly, the grunting increasing; he struck chords with his elbow, and at one point thrust his hand into the piano and flicked the hammers onto the strings. Flash bulbs exploded. Even the lay press was excited by this spectacle….”
“Thelonious Monk: Two Sides of an Enigmatic Musician by Raymond Horricks,” Jazz Monthly, Vol. 2 N° 2, April 1956, p. 8.

Fourth and totally confused report of the evening^[•] written thirty-seven years after the event:

« Le mardi 1er juin 1954 donc, concert inaugural. Enorme stupidité de la part des organisateurs, la première partie en était assurée par l’orchestre extrêmement populaire de Claude Luter : ses « fans » remplissaient la salle et n’étaient venus que pour lui. Naturellement, dire qu’il fit un véritable triomphe, c’est rester bien en dessous de la vérité. Ce fut du délire! Difficile de passer après Claude. D’autant plus que la musique de Monk, déjà si déroutante même pour ses admirateurs (il y en avait quand même quelques-uns), ne correspondait absolument pas à ce public pour lequel son nom même était inconnu, et qui ne s’était déplacé que pour entendre Luter. Dans les coulisses de Pleyel, Monk s’était déjà ‘défoncé’ et faisait preuve d’un comportement très énigmatique, ce qui n’était pas pour arranger les choses. D’autant plus qu’ayant été sevré aux États-Unis, l’effet de la drogue qu’il avait prise s’en trouvait probablement décuplé; Nous entrons enfin en scène, Monk s’installe au piano et commence à jouer, le regard étonnamment fixe.*

Puis, au bout d’une bonne demi-heure, sans prévenir, il quitte son tabouret d’un seul bond, l’œil vague, et pointe un doigt vengeur et immobile vers Jean-Louis Viale qui n’en demandait pas tant. Celui-ci, pris au dépourvu et ne sachant que faire, se lance immédiatement dans un brillant solo. Sur ce, Monk, l’air furieux, sort de scène et se jette dans le gosier, d’un seul trait, une énorme rasade de scotch puis retourne sereinement s’assoir à son piano pour terminer le morceau en cours, comme si cette façon de faire était d’une pratique absolument normale. Peu après, dans sa loge, il nous explique que lorsqu’il se lève, ça veut dire que le concert est terminé, qu’il faut saluer, et partir. Jean-Louis n’en revenait pas, on ne lui avait encore jamais fait ce coup-là! Sans demander son reste, il claqua définitivement la porte. Nous voilà donc sans batteur pour la seconde partie du concert. Gérard Pochonet, qui traînait toujours dans les coulisses des concerts dans l’attente d’une éventuelle défection, fut invité à se joindre à nous pour terminer tant bien que mal cette difficile soirée. Ce fut certainement un concert raté, mais ça n’avait pas beaucoup d’importance : après le passage ce soir-là de Claude Luter, rien ne pouvait plus être dit. »
Jean-Marie Ingrand, correspondance avec François Positif, 1991 in Jacques Ponzio et François Positif. Blue Monk: Un Portrait de Thelonious. Arles: Actes Sud, 1995, pp. 135-137.

*À cet endroit, le texte de Jean-Marie Ingrand est accompagné du commentaire des auteurs Jacques Ponzio et François Positif, et d’une citation de l’article de Raymond Horricks, traduite en français, paru dans Jazz Monthly :

« Ouvrons ici une parenthèse pour faire état des impressions de Raymond Horricks qui assistait à la scène. Il va sans dire que nous lui en laissons la responsabilité, mais il nous semble important de les citer car elles témoignent bien du fossé qui pouvait exister entre Monk et le public à cette époque. Elles donneront également naissance à des commentaires et à des réponses se succédant au sein de la même revue (R. Horricks, Jazz Monthly, Vol. 2 N° 2, April 1956, pp. 8, 9), ce qui ne sera pas sans intérêt.

— Arriva souriant stupidement, à demi courbé, un grand Nègre en complet bleu marine avachi. S’approchant au ralenti du micro dressé sur la scène, il dit, en un français correct mais malaisé : « Bonsoir tout le monde… je joue Well You Needn’t ». S’étant enfin assis au piano, il médita un long instant avant de reprendre pesamment le chemin du micro. Le public, d’habitude plutôt vif, sombrait dans une torpeur d’où émergeaient quelques murmures. C’est alors que Thelonious annonça : « Off Minor » et attaqua aussitôt le morceau écrit dix ans plus tôt. »
Jacques Ponzio et François Positif. Blue Monk: Un Portrait de Thelonious. Arles: Actes Sud, 1995, pp. 136, 137.

Jam Session after the concert at The Cabaret reported by Raymond Horricks:

“When the concert was over[^[•]] and most of the journalists and musicians and listeners had retired to the Salle Pleyel cabaret, there to hear jazz of a more informal nature, and to have the privilege of occupying several square inches of floor space highly in demand, and to drink beer at fourteen shilling a pint, I again witness Thelonious in action. This time sitting in and disrupting a session by the Gerry Mulligan Quartet, normally a piano-less group. Monk whipped out some of his contrived harmonies and upset the poise of the musicians completely. It must have been one of the most chaotic its ever played.

By the time the sky-blue-socks and shirt walked off the stand I was at the bar talking with trumpeter Jonah Jones, the least temperamental and most convincing jazz soloist playing at the Fair that year. Jonah chewed his cigar stub and clutched a long lemonade, and complained that his doctor had taken him off whiskey—and between times talked about jazz. Suddenly Monk appeared at our side with Charles Delaunay. ‘Hi man, you look smart!’ quipped Jonah at the new arrival. This was answered by the broadest of smiles but no speech. It was the nearest point I ever came in Paris to getting a coherent conversation out of Thelonious Monk. Later I saw him once talking quite earnestly to Delaunay, but as far as I know most writers ran up against a blank wall when they tried to interview Monk at the Fair. I remember the attempt by Steve Race to interview Charlie Parker at the 1949 Paris Festival when, instated of leading a musical discussion, Parker had insisted upon reading passages aloud from Omar Khayyam. At least Steve had heard his quarry speak! Monk represented a study in human isolation, someone oblivious to all praise or criticism, or public relations.”
“Thelonious Monk: Two Sides of an Enigmatic Musician by Raymond Horricks,” Jazz Monthly, Vol. 2 N° 2, April 1956, p. 8.

“…When I first met and spoke with him [Mulligan] —in Paris in 1954— …Again, later that evening, I stood in between Jack Parnell and trumpeter Jonah Jones listening to an extraordinary jam session when Thelonious Monk crashed chords with Mulligan’s Quartet….

It began with the unlikely ‘Mulligan Meets Monk’ LP for Riverside. Perhaps not so unlikely though, because by this time Gerry and Thelonious had become firm friends. It went back to that same 1954 Paris jam session I referred to earlier as beginning—to borrow the title of Gerry’s own signature-tune—in Utter Chaos.
Monk whipped out some of his most advanced and previously unheard harmonies, and immediately there were anxious frowns from other musicians. But Gerry then rallied and the set only ended (abruptly) when Mrs Mulligan reappeared. Yet, it was an important set in that it left the two composers filled with curiosity about each others' music.”
Raymond Horricks. Gerry Mulligan’s Ark. London: Apollo Press Ltd., 1986, pp. 12, 43.

“…and it ended as abruptly as it began when Mulligan was told by his wife that he’d been there long enough and had better pack his saxophone away and leave. 7^[•]
Raymond Horricks. These Jazzmen of Our Time. London: Victor Gollancz, 1959, p. 18.
(The text reproduces the part of the Jazz Monthly article devoted to concerts in Paris, slightly rewritten, the text contains some additional information.)

Joachim Berendt was there too:

“…Anyone who wrote on his stay in Europe must have been baffled when called upon to deal with his Paris performances, especially if it was the case that one did not ‘run up against a blank wall’ when trying to interview Monk. I know all too well the situation to which Mr. Horricks refers, for I too was at the bar of the ‘Cabaret du jazz’ when Raymond Horricks was standing there with Jonah Jones. (I even recall Mr. Horricks, whom I remember as being pretty tall and who was wearing a green jacket at the time!) I approached Monk a little later, fortunately as a result of an introduction from Charles Delaunay, an the ‘blank wall’ broke down (which, of course, was little more than good luck). Monk gave me the name of his hotel and told me to come there the next day at 6-o-clock….”
“A Note on Thelonious Monk by Joachim Berendt,” Jazz Monthly, Vol. 2 N° 4, June 1956, p. 7.

And it was probably at the end of this jam session that Thelonious Monk asked Gérard “Dave” Pochonet to replace Jean-Louis Viale. Dave Pochonet was the drummer of Alix Combelle’s Orchestra^[•], which appeared at The Cabaret^[•]:

« …et Thelonious Monk, à la suite d'une jam-session exprime le désir d'être accompagné par « Dave » au Salon du Jazz. Au cours de ce même Salon, Gerry Mulligan qui venait de l’entendre—au cabaret du Salon, avec le grand orchestre d’A. Combelle—déclara à Charles Delaunay qu'il le trouvait excellent… »
« Gérard « Dave » Pochonet par Alain Courtois », Jazz-Hot, N° 102, 21e Année (2e Série), septembre 1955, p. 31.

The following references to a jam session with Thelonious Monk at the Jazz Fair's club (called "Le Cabaret") aren't dated. We do not know if there were several:

« Bien que inégal, le spectacle du Cabaret connut, en fin de semaine, quelques moments exceptionnels, en particulier lorsque le musiciens se décidèrent à organiser des jam sessions. On a pu voir ainsi Gerry Mulligan jouer tour à tour avec l’orchestre d’Alix Combelle—qui assurait la continuité du spectacle et les intermèdes dansants—puis avec Alix et Jonah Jones, ainsi qu’avec Thelonious Monk. Bobby Forest manifesta là-aussi de dynamisme qu’on lui connaît. »
« Le IIIe Salon International du jazz », Jazz-Hot, N° 90, 20e Année (2e Série), juillet-août, 1954, p. 9.

Un soir, au « Cabaret » du même « Salon », Jonah Jones venait d’attaquer un blues. Thelonious Monk se précipita au piano et se mit à l’accompagner…sur un rythme de valse! Qu’on s’en prenne à Monk si l’on veut. Pour nous, les vrais responsables de ces fâcheux incidents sont les zazotteux qui osent faire côtoyer des vrais musiciens de jazz par des boppers et des « progressistes » .
« Echos et Nouvelle », Le Bulletin du Hot Club de France, N° 40, Août-Septembre 1954, p. 31.

The following account is not dated. The night described by René Urtreger is possibly the night of June 1 to June 2, but it remains uncertain. June 1 was the only day the two musicians were present on the same bill^[•]:

Avenue de Versailles, Paris XVI

« …Je l’ai rencontré, j’avais 21-22 ans[^[•]]. Evidement quand j’ai su que Monk venait au festival de jazz de la ville de Paris [sic] en 1954, j’ai voulu le connaître,[^[•]] l’entendre jouer. Après son concert, on était une quinzaine de personnes [dont Nica de Koenigswarter^[•]] dans l’appartement [Avenue de Versailles, Paris 16] de l’ex-femme de Mezz Mezzrow [Johnnie Mae Berg^[•]]. Il a joué toute la nuit, tout le monde s’est endormi. Quand on s’est réveillés le lendemain, il était toujours en train de jouer. »
« René Urtreger », Jazz Magazine, N° 361, mai 1987, p. 19.

Nature and location of the “morning reception,” as reported by Danny Halperin to Raymond Horricks, are unknown:

“… Apparently the next day Thelonious was thoroughly depressed about the reaction to his music in Europe. ‘I don't think they’ll listen to what I really want to play,’ he said at a morning reception. Gerry Mulligan overheard this and turned to the pianist. ‘Don’t bother about them,’ he snapped. ‘I’ll be listening to you. I’ll be just off stage listening to you. If you turn a little that way you’ll see me there.’ And Thelonious played his next concert like that, with his imposing figure slightly averted from the audience and turned toward the side of the stage.”
Raymond Horricks. These Jazzmen of Our Time. London: Victor Gollancz, 1959, footnote ⁷, p. 18.
(The text reproduces the part of the Jazz Monthly article devoted to concerts in Paris, slightly rewritten the text contains some additional information.)

“Danny Halperin tells how the next day Thelonious was thoroughly depressed about the way European audiences were reacting to his music. ‘There’s not really listening to what I’m playing,’ he complained. Mulligan overheard this and turns to the pianist. ‘Don’t bother about it’ he said quickly. ‘I’ll be listening to you from now on. I’ll be just off-stage listening. If you turn a little that way you’ll see me there.’ And Thelonious played his next concert like that, with his imposing figure slightly averted from the piano and turned towards the wings. It marked the beginning of creative understanding between the two men.”
Raymond Horricks. Gerry Mulligan’s Ark. London: Apollo Press Ltd., 1986, p. 43.

Rue La Boétie, Paris VIII

Joachim Berendt meets Thelonious Monk at his hotel at “6-o-clock”:

“…When I arrived there Monk was engaged in a flowing conversation with two other people who were just leaving. He was on his bed and wore a fancy silk dressing gown.”

In the beginning we talked about Paris, Monk was really interested. He asked me number of precise questions which I was unable to answer…. I tried to bring the conversation around to his family. Monk followed quite willingly, but from this moment on everything was ‘just okay’ with him. The family was ‘okay.” So I changed to race problems. I thought that it might be for Monk as it was for Bird. But, here again, everything was ‘just okay.” Monk even gave the impression that no race problem existed today. I then switched to problems of commercialism in jazz. Everyone knows that this matter is at the root of many a jazzman’s complex. But—as you may guess by now—this time again, everything was ‘just okay.’ So, I thought, I had better talk about his fancy gown. Monk, of course, stopped his ‘just okay’ attitude and even told me where he had got it I do not now remember where, for I had no intention at the time of conducting an interview and I was concerned to get to know the man Monk. It is possible that this was the reason he accepted me….”
“A Note on Thelonious Monk by Joachim Berendt,” Jazz Monthly, Vol. 2 N° 4, June 1956, p. 7.

No concert at 2:30 p.m. and 5:30 p.m. At 9 p.m., concert in memory of Django Reinhardt^[•].

Salle Pleyel, 252, Fg St-Honoré, Paris VIII

Second concert of Thelonious Monk, “Modern Jazz” concert at 9 p.m., the second of the day after the “New Orleans” one at 5:30 p.m.^[•] Thelonious Monk, with Jean-Marie Ingrand and probably Gérard “Dave” Pochonet^[•], played in the second part, before the Gerry Mulligan Quartet^[•]:

Unknown titles
>‘Round Midnight (inc.)

« Notons que Monk joua infiniment mieux ce soir là que deux jours auparavant. »
« Le IIIe Salon International du jazz », Jazz-Hot, N° 90, 20e Année (2e Série), juillet-août, 1954, p. 8.

Confirmed by Raymond Horricks, published two years after the event (wrong sequencing):

“Two evening later I attended the Jazz Fair’s second concert of modern jazz, this time represented by the Géo Daly Quintet, Thelonious Monk, the Kurt Edelhagen Orchestra and the Gerry Mulligan Quartet. After a set of bright and unpretentious music by the Daly group, Thelonious walked onto the stage to receive a scattering of disrespectful gestures. They were unnecessary. An obviously changed man, calm and subdued, Monk played some of the most advanced and imaginative modern jazz piano I had heard. His touch was definitive, his spontaneous search for new harmonic progressions successful, his timing and rhythmic emphasis clear and direct [and considerate to his supporting musicians*]; in short, a musician sure of his direction in jazz and made a confident performer. Thus, the complete enigma that is Thelonious Monk, the curtain parting to reveal the other facet of his nature, the Jekyll and Hyde existence. An act confusing every attempt at evaluation.”
“Thelonious Monk: Two Sides of an Enigmatic Musician by Raymond Horricks,” Jazz Monthly, Vol. 2 N° 2, April 1956, p. 9.
*Raymond Horricks. These Jazzmen of Our Time. Victor Gollancz: London, 1959, p. 20.
(The text reproduces the part of the Jazz Monthly article devoted to concerts in Paris, slightly rewritten the text contains some additional information.)

While Joachim Berendt does not agree at all:

“I do not think that Monk was good at all in Paris. I do not agree with Mr. Horricks—and this is one of the minor points. I mentioned in the beginning of these comments—when he gives the impression that there was a world of difference between Monk’s playing in the first ‘Salon du Jazz concert’ and his second performance. I recorded both concerts for Radiodiffusion Française and for the German Sudwesfunk network and I have listened to them many times[^[•][•]].The conception of playing is exactly the same in both concerts. He just played fewer wrong notes on the second occasion or, it can be put this way: he drank less before the second concert than he did before the first one. The world of difference to this writer is not between Monk’s playing at the first and the second concert, but between his playing in Paris and his records of the calibre of Off Minor, ‘Round about Midnight and Evidence.”
“A Note on Thelonious Monk by Joachim Berendt,” Jazz Monthly, Vol. 2 N° 2, June 1956, p. 7.

Studio du Club d'Essai de la R.T.F., 37 Rue de l’Université, Paris VII

It was decided to record Thelonious Monk solo for broadcast purposes, possibly the day before. The following is Marcel Romano speaking:

« … André Francis me dit :
—Ah dis donc, ça serait vachement sympa si on pouvait faire une émission avec lui en solo, tu crois qu’il accepterait? » Je lui dis :
—Écoute si tu penses que ça peut faire une bonne chose, et ça peut faire une bonne chose… » Je lui dis :
—Oui pourquoi pas, je vais essayer de lui en parler. » Alors je lui dis :
—Thelonious, ici j’ai un copain, il est producteur de radio, il fait des émissions cette semaine, il n’a pas beaucoup de fric puisqu’il avait la somme de 20 000F… » Je me dis un type comme lui pour 20 000F il ne le fera pas. Ce que j’ignorais, je l’ai su beaucoup plus tard c’est qu’il avait touché 300$ pour une semaine de concert, c’était réellement… c’était Nica de Koenigswarter qui m’avait raconté ça et c’était réellement… c’était rien 300$, c’était réellement ce qu’on donne réellement à un débutant… »
Marcel Romano, conversation with Dominique Cravic, Monday, August 4, 1997, Le Wepler, 14, place de Clichy, Paris 18. Audio recording.

André Francis Archives

André Francis:

« …l’enregistrement que j’ai fait de Thelonious Monk s’est fait un matin au Club d’Essai, rue de l’Université, un jour ou il y avait la grève du personnel technique, et on m’a annoncé : —Écoutez, il n’y a pas moyen… il n’y aura pas de technicien aujourd’hui, mais voilà la clef du studio, voilà la clef pour prendre les micros, tu te démerdes ». Je n’avais jamais fait de prise de son… c’était un piano unique, donc je savais où il fallait placer les micros… l’argent qu’il avait demandé et qui était très limité a pu lui être donné à la fin de l’enregistrement et il a aussitôt couru avec son accompagnateur pour s’acheter des bérets, des bérets français… ça avait été fait uniquement pour la radio, mais, je lui avais laissé entendre que ça pourrait être commercialisé, et ils ont donné tout naturellement à Vogue une copie de l’enregistrement, à charge à Vogue de payer beaucoup plus que nous nous l’avions payé^[•]. [l’accompagnateur] c’était un de mes meilleurs amis, avec lui on avait fondé une association^[•]… Marcel Romano… »
André Francis, conversation with François Lê Xuân, Daniel Richard, Alain Tercinet and Fred Thomas, Friday, March 18, 2016, Paris 15. Audio recording.

" ... The recording I made of Thelonious Monk was done one morning at the Club d’Essai, rue de l’Université; it was a day when the technical crews were on strike, and they said to me: ‘Listen, there's no way you can do it... There won't be any technicians today, but here's the key to the studio, and this is the key to get the mikes, you'll have to handle the mess yourself.’ I'd never done a sound take... there was just the one piano, so I knew where the mikes should be... It was possible to give him the money he'd asked for, and it was a very small amount, at the end of the recording, and he immediately ran off with the person accompanying him so that he could buy some berets, French berets... It had been done only for the radio station but, I'd let him know that there might be a chance to sell it, and quite naturally they gave a copy of the recording to Vogue, on condition that Vogue pay him a lot more than we had paid. [The person accompanying him] was one of my best friends, we'd founded an association with him^[•]... Marcel Romano…. "

Content of the edited tape (A + B) MU 6559:

AF —Nous avons aujourd’hui le grand plaisir d’avoir dans nos studios, Thelonious Monk qui est appelé le Grand Prêtre du be-bop car il est le créateur, le principal créateur avec Charlie Parker et Dizzy Gillespie, de ce mouvement musical qui a révolutionné l’histoire du jazz. Il est venu dans notre studio et nous allons lui faire subir la petite interview d’usage, et d’abord nous allons lui demander si il est très content d’être à Paris.
TM —Oui.
AF —Eh bien cela nous fait aussi plaisir car il a donné au cours des concerts présentés à la Salle Pleyel de grandes satisfactions musicales aux auditeurs qui se trouvaient dans la salle, une autre question maintenant : est ce que vous êtes très content du public Français devant lequel vous avez joué?
TM —Très bien, très bien, beaucoup!
AF —Quel est le thème que vous allez interpréter?
TM —Je vais jouer pour vous, Reflections [sic].

No concert at 2:30 p.m. and 5:30 p.m. At 9 p.m., concert “New Orleans.^[•]”

Salle Pleyel, 252, Fg St-Honoré, Paris VIII

Even Paris Match gave space to the event (belatedly):

« L’orchestre de Gerry Mulligan, révélation du jazz américain, est la vedette du Salon du Jazz, organisé du 1er au 7 juin, à la Salle Pleyel…

Autre vedettes : le pianiste Thelonious Monk, surnommé « le grand-prêtre du bop » et Jonah Jones, un des meilleurs trompettes « Nouvelle-Orléans ». Son surnom est « Louis the Second » —Louis Armstrong étant Louis 1er.

Le salon organisé par Charles Delaunay et Jacques Souplet a un décor unique : une rue de la Nouvelle-Orléans (coût : 8 millions)…

Des orchestres sont annoncés de la Haute-Garonne, de Rouen, de Lille, d’Arles, etc. On escompte 50.000 spectateurs en une semaine. Des avions spéciaux ont été affrétés d’Angleterre. Quatre fauteuils pour chacun des dix concerts ont été loués par quatre Hindous fanatiques de jazz. Ils sont venus spécialement de Bombay. »
« Elles et Eux musique : Sans piano ni guitare Gerry Mulligan au Salon du jazz », Paris Match, N° 271, du 5 au 12 juin 1954, p. 79.

While the weekly radio programme Radio Liberté focused on "this curious pianist”:

« Thelonious Monk a incontestablement de la personnalité. Son introduction de Mysterioso nous plonge dans un climat harmonique qui n’est pas sans faire songer au Bartok des Musiques nocturnes (Jazz Sélection 542). La main gauche établit les fondations, avec lourdeur. Puis la droite se lance dans une trottinantes promenade de souris avec de brusques arrêts malicieux ou anxieux : le chat n’est pas loin.


Thelonious a une manière à lui de jouer avec les harmoniques éloignées de la fondamentale, de décortiquer un air, de l’habiller avec de nouveaux accords qui lui donnent vraiment un drôle d’air. Ainsi écoutez In Walked Bud en pensant à Blue Skies (id. 548).


— Il faut être soi-même, dit Thelonious Monk. Si on essaye d’être différent, on peut tout louper! »

H.-J. D. [Henri-Jacques Dupuy] 
« Vous pouvez entendre ces jours-ci au Salon du jazz ce curieux pianiste Thelonious Monk », Radio Liberté, N° 232, du 6 au 12 juin 1954, p. 2.


Third concert of Thelonious Monk, “Modern Jazz” concert at 9 p.m., the third of the day after the “Semifinal and Final elimination of the International Tournament of Amateur Jazz Bands 1954” at 2:30 p.m., and the “New Orleans” concert at 5:30 p.m.^[•] Thelonious Monk played twice that Saturday evening, probably in trio for the first part, and solo in the second part, during a “spectacular” pianists' competition:

« Le concert du samedi soir nous présenta les émules danois du Mulligan Quartet…

Mais le clou de la soirée fut fourni par la confrontations d’un groupe de huit pianistes comprenant Bernard Peiffer, Martial Solal et Henri Renaud, le pianiste sud-américain Lalo Schifrin, Monk et Mary Lou Williams, auquel se joignirent (au piano) Bob Brookmeyer et Gerry Mulligan, qui se souvenaient de leurs débuts sur cet instrument. Ces mêmes pianistes s’étaient fait entendre séparément au cours de la première partie du concert. »
« Le IIIe Salon International du jazz », Jazz-Hot, N° 90, 20e Année (2e Série), juillet-août, 1954, p. 9.

Lalo Schifrin remembers:

“In 1954, I was invited to participate in the Paris International Jazz Festival at the Salle Pleyel, representing Argentina. There was an article about it in the Paris Match.[^[•],^[•]] I remember arriving backstage with my bass player and compatriot, Ricardo Galeazzi.[^[•]] I went to my dressing room, which had my name written on the door. To my surprise, once inside I saw and heard none other than Thelonious Monk warming up at the piano, totally oblivious of his surroundings.[^[•]]”
Lalo Schifrin with Richard Palmer. Mission Impossible: My Life in Music. Plymouth: Scarecrow Press, 2008, pp. 24, 25.

About the piano “Contest”:

« …en solo, mais tout de suite [les uns après les autres, sans interruption] c’était comme… une…sportive, il fallait suivre la tonalité… fallait jouer quelque chose dans la même tonalité… [Monk] c’est lui qui a commencé… »
Lalo Schiffrin, interview in French with Daniel Richard, Thursday, November 10, 2016, Ministry of Culture and Communication, 3 Rue de Valois, Paris I. Audio recording.

This would have been the fourth concert of Thelonious Monk, the “Modern Jazz” concert at 5:30 p.m. after the “Final of the International Tournament of Amateur Jazz Bands 1954” and before the “New Orleans” one at 9 p.m., ^[•] but Monk had forgotten and he didn't show up. According to Marcel Romano:

« …pendant toute la semaine où il a été à Paris je venais le chercher presque tous les jours et on allait se promener je ne parlais pratiquement pas, comment dire, pas anglais, mais il y avait un contact qui s’était établi entre nous et comme ça, sympathique, il était venu à la maison, je n’étais pas lavé, on m’avait offert une bouteille de champagne d’une fête foraine je ne sais plus un truc dans ce genre là, alors je lui dis :
—Viens à la maison » il vient à la maison, on débouche la bouteille, on commence à discuter, c’était un dimanche après-midi, et tout-à-coup il me demande l’heure qu’il est, je lui dis :
—Il est cinq heures…
—Ah bon, cinq heures, c’est tard il fallait que je sois à quatre heures, j’ai un concert aujourd’hui » il était comme ça il ne se souciait jamais de l’heure, il avait des engagements et puis au dernier moment il oubliait, il ne s’en rappelait toujours qu’au dernier moment… »
Marcel Romano, conversation with Dominique Cravic, Monday, August 4, 1997, Le Wepler, 14, place de Clichy, Paris 18. Audio recording.

Salle Pleyel, 252, Fg St-Honoré, Paris VIII

Fifth and last concert of Thelonious Monk, the “Modern Jazz” concert at 9 p.m. closing the Jazz Fair, and the second concert of the day after the “New Orleans” concert at 5:30 p.m.^[•] No accounts have become available.

Salle Pleyel, 252, Fg St-Honoré, Paris VIII

So far, we have no way of knowing after which concert Mary Lou Williams introduced Thelonious Monk to Nica de Koeningswarter, nor to which evenings she refers in the following statements:

“I didn’t meet Thelonious ‘til 1954, I flew to Paris and got there just in time for his very first overseas concert. I went backstage afterwards and Mary Lou Williams introduced me to him; that’s how I met him. We hung out for the rest of the time he was there, we had a ball for a week.”
Nica de Koeningswarter in Charlotte Zwerin. Thelonious Monk: Straight, No Chaser. Malpaso Productions, 1988, a documentary.

“Nica remembered the evening quite differently [After summarizing the negative comments already quoted concerning the first concert]. She was enthralled. Monk surpassed all her expectations. In her opinion, the audience was bowled over. ‘He played two tunes—that’s all—and walked off and the audience were really grasped by it,’ she said on tape. ‘In fact they were yelling, “Monk, Monk,” and he didn’t come back but Gerry Mulligan was waiting to play so that was that.’”
Hannah Rothschild. The Baroness: The Search for Nica, the Rebellious Rothschild. London: Hachette Digital, 2012, Kindle location 2291.

Thelonious Monk, Salle Pleyel backstage, June 1954, by Marcel Fleiss

Thelonious Monk, Salle Pleyel backstage, June 1954, by Marcel Fleiss

Thelonious Monk, Salle Pleyel, June 1954, by Marcel Fleiss

Dr. Leo Waldick refers to several concerts (how many, which concerts, all the concerts?), and does not agree with Joachim Berendt (once again)^[•]:

„Monk ist ein Phänomen—gleichgültig mit welchen Vorzeichen. Er trägt soviel fremde und ungewohnte Züge daß es sehr schwierig ist, ihn mit gewohnten Maßstäben zu messen, Man glaubt, er sei in einer anderen Welt. Daß er in jedem Konzert zum größten Teil die gleichen Stücke spielte, war allerdings sehr diesseitig. Sein Spiel ruft den Eindruck hervor, als habe er nie anders gespielt und werde auch nie mehr anders spielen. Den Musikern, die ihn begleiten. machte er es schwer. Sie wußten nie. woran sie mit ihm waren. Plötzlich stand er vom Piano auf. ging auf der Bühne spazieren und grinste ins Publikum.— The mad Monk?—Was ihn mir so sympathisch macht, ist der von seinem Spiel ausgehende Zwang zur Entscheidung. Entweder ist er ein Scharlatan, der durch Wahl ungewöhnlicher harmonischer Mitteilung vorbildlose Spielweise seine technischen Mangel zu verdecken sucht, oder aber ein Musiker von außergewöhnlichem Format, der keinen Wert auf technische Brillanz legt; denn eines ist ganz sicher: seine Technik ist mäßig. Mir Persönlich hat er gut gefallen. Die Begründung dafür ist allerdings subjektiv: Ich könnte ihm stundenlang zuhörten.‟
„Aphorismen zum ‚3. Salon international du Jazz‛ by Dr. Leo Waldick,‟ Jazz Podium, 3/7 July 1954, p. 8.

Erik Wiedemann shared his impressions and observations on Monk and on French audiences the day after the Salon in the Orkester Journalen, , July 1954.

“Thelonious Monk är ett fenomen, som nog kan sätta ens bedömningsförmåga på ganska vanskliga prov. Hans musik är till den grad egenartad, att den inte kan kristiseras i relation till annan jazzmusik. Hur villrådig blir man inte, när han slår sig ned vid pianot och framtrollar den ena bisarra inén efter den anfra, får sina åhörarre att vrida sig vid skärande, missljudande ackord och slakar om dem med dessa våldsamma och abrupta rytmiska betoningar. Till att börja med kan han verka som en barnunge, som daskar bärgge händerna i klaviaturen på måfå i naiv beundran att kunna frambringa ljud. Kan man verkligen ta denna besynnerliga och uppenbarligen tillfälliga musik på allvar? Men allteftersom man lyssnar på honom wäxer det fram ett system, en bärande idé ur detta synbara kaos och de säregna klangerna och brutalt rytmiska verkningarna börjar få mening och innehåll. Ligger det inte något spotskt och hånfullt grimserande i detta sätt att omstörta alla konventioner? Alla ackord nedbrytas och visar en ilsken, osymmetrisk avigsida. Fullt medvetet undvikes alla vanliga bekväma uttryck och ersättes med vrångbilder av sig själva. Det kan mycket väl vara negerns rasmedvetenhet, som gör front mot den vita rasens intrång på hans musikaliska domäner. I denna avkrok, varifrån han kastar sten mot sina åhörare, härskar han oinskränkt, här kan ingen göra honom rangen stridig. I all sin fåmälda nakenhet rymmer hans musik ett oerhört råstoff, som han själv blott till en del är i stånd att förlösa. Han är mera filosof och skapare än utövare, och hans musik når en via banor, som står utanför det rent pianistiska….


Ovationer för Mulligan
För övrigt utgjorde Gerry Mulligans fortfarande pianolösa kvartett det stora samtalsämnet. Det mottagande, som kvartetten fick av den temperamentsfulla franska publiken, var efter franska förhållanden ganska ovanligt. När man känner till, hur svårt det alltid varit för vita jazzmusiker att göra sig  gällande i Frankrike, undrade man över, att medan negerpianisten Monk endast erhöll spridda och blandade bifallsyttringar, så åstadkom Mulligans helt vita kvartett kreftiga och spontana handklappningar. Och ändå så skiljer sig den franska publiken inte mer från andra länders än att Mulligans lättsmälta, eleganta och inte allför djuptgående musik genast vann framgång, under det att Monks särpräglade och minst av allt insmickrande tonspråk ej begreps utan därför endast irriterade publiken….”
“Jazzintryck från Paris av Erik Wiedemann,” Orkesterjournalen, N° 7, juli 1954, pp. 11, 29.

Aéroport d’Orly, Seine

Thelonious Monk returns to the United States^[•] after a busy week:

“I enjoyed the visit very much, the only drag was I didn’t have my own band with me. I couldn’t find anybody to play with me that could make it. All the good jazz seems to be in the United States. But I’d like to go back over with my own group.”
“Just Call Him Thelonious.” Thelonious Monk to Nat Hentoff, Down Beat, Vol. 23 N° 15, July 25, 1956, pp. 15, 16.

“HR—Do you remember your first concert in Paris...
TM—Yes, hmm, hmm.
HR—...in 54?
TM—Hmm, hmm, yes I remember that.
HR—I think, at this time your music was a little bit too difficult, too avant garde for the French audience, what do you think of that?
TM—Well I mean they had my... on magazine, they had my picture on front page [laugh], they had Gerry Mulligan, they had [clicking fingers]... Jones... shame I, trumpet player... they had a lot of people, but they had my picture on the front page, if it was too avant garde what it was... I mean whatever it was it seems like I was the star, but the people would come and see... but I wasn't getting the money though.
....
TM—I had no idea, I mean my popularity in France until I got over here, when I got here, I mean they had Gerry Mulligan and treatin' as a star, but they had my picture on front page of the magazine, for the concert, and couldn't get no musicians, I came over my myself, and there was no musician to work with me or anything well then by that no musician work with me I practically had to play by myself. Finally I got some fellas to play with me and I was getting less money than anybody [laugh], that's what happened.
....
HR—Ok, Thelonious, just one, it's the last one, please it's only the last one.... About euh, about piano.
TM—[laugh]The first time I came to France...?
HR—No, no, no, no, no, no, no, we, it's, we don't do that.
TM—The first time I came to France, I was ossified all the time I was here.
HR—No, no, we don't say anything about that to you, ok?
TM—I don't mean everything, it's not secret, is it?
HR—No, but it's not nice.
TM—It's not nice?
HR—Yeah."
From a raw Thelonious Monk's interview by Henri Renaud for Bernard Lion, Henri Renaud Jazz Portrait: Thelonious Monk, ORTF, Studio du Moulin de la Galette, recorded December 1969, released February 12, 1970, a TV show. Thelonious Monk: Live in France 1969. Jazz Icons / Mosaic MDVD-2002, 2011, Bonus Section.

« Monk est resté une bonne huitaine de jours à Paris, et comme j’étais un des rares Français avec qui il pouvait échanger quelques mots en anglais, il me prit en affection et je lui ai servi de mentor pendant tout son séjour… Puis vint le jour de son départ. Je l’ai accompagné avec quelques amis à Orly… »
Jean-Marie Ingrand, correspondance avec François Positif, 1991 in Jacques Ponzio et François Positif. Blue Monk: Un Portrait de Thelonious. Arles: Actes Sud, 1995, pp. 137, 141.

« …je lui ai fait faire le [Jardin du] Luxembourg je l’ai traîné dans tous les endroits où il y avait des étudiants. La plupart des gens se demandaient qui c’était, il y en avait un ou deux qui le connaissaient… un type très curieux, ça aussi ça pourrait faire l’objet d’un article d’une étude, son comportement, l’attitude que nous avions l’un par rapport à l’autre, parce que quand je l’ai revu par la suite très souvent à New York on avait toujours les mêmes genres d’itinéraires de sortie, ce que je lui faisais faire ici, il me le faisait faire à New York, il aimait beaucoup marcher, moi aussi j’aimais beaucoup marcher, il me faisait faire des balades immenses… ici on a fait ça pendant presque toute la semaine, je l’emmenais chez des gens, chez des copains tout ça en discutant, on prenait un verre, moi j’étais pas tellement « couche tard » le maximum c’était minuit et demi, un heure, deux heures, j’allais me coucher parce qu’il fallait que je me lève le matin, mais lui quand je le laissais dans les boîtes, il se couchait vers sept ou huit heure du matin et il était en forme deux ou trois heures après… alors là [quand j’allais me coucher] c’est Urtreger qui le prenait en charge qui le droppait dans toutes les boîtes, il allait sur les Champs-Elysées, au Ringside qui n’était pas encore le Blue Note, ici au Tabou, au Club Saint-Germain, enfin bref…moi je les ai entendu [Mulligan Quartet] presque tous les soirs au Tabou, il n’y a que Monk qui n’aimait pas beaucoup jouer comme ça, d’abord le piano était pourri, il n’aimait que les Steinways il y en avait un au Club Saint-Germain, c’est Bernard Peiffer qui l’avait exigé lorsqu’il était venu jouer… »
Marcel Romano, conversation with Dominique Cravic, Monday, August 4, 1997, Le Wepler, 14, place de Clichy, Paris 18. Audio recording.

« …J’avais un scooter à l’époque, oui je l’ai trimbalé en scooter… les gens sur les plateformes d’autobus nous regardaient avec des yeux comme ça! Il était habillé comme en hiver avec un truc en fourrure, et c’était au mois de juin… »
René Urtreger, conversation with Daniel Richard, Sunday, February 26, 2017, Café Le Zimmer, 1, place du Châtelet, Paris 1. Audio recording.

" ...I had a scooter in those days, yes, I carted him around on a scooter... the people standing on the bus platforms used to stare at us with their eyes wide like this... He was dressed for winter, with a kind of fur coat, and we were in June!..."

“In Paris, at the time of the Jazz Fair I described earlier, the English drummer Tony Kinsey collected Monk for a jam session being held at The Ringside. ‘Let’s walk There,’ suggested Kinsey, ‘it’s no more than two hundred yards from here.’ But Monk insisted that went by taxi. He stepped to the kerb, eased his imposing frame into the nearest car and promptly fell asleep. While Kinsey was still deliberating what to do, the owner of the car appeared—it was far from being a taxi—and flew into a typically Gallic rage at the sight of Thelonious there. He reached into the car, grabbed the sleeping figure by the coat lapels and hauled him out on to the pavement. After this Monk avoided all contact with motor vehicles in Paris; he’d walk miles rather than use one.” Tony Kinsey to Raymond Horricks. These Jazzmen of Our Time. London: Victor Gollancz, 1959, pp. 25, 26.

Ny Renaud, Jean-Marie Ingrand, Frank Isola, Thelonious Monk, Sacha Distel, Marcel Fleiss parents’ apartement at Trocadéro, Paris XVI, by Marcel Fleiss
(Marcel Fleiss Collection)

Thelonious Monk, Marcel Fleiss, by Marcel Fleiss
(Marcel Fleiss Collection)

Melody Maker would devote a large amount of space to the Salon in two of its issues, illustrated with photographs by Hervé Derrien:

“Monk Makes Music. When the U.S. stars arrived in Paris on Monday to open on Tuesday at the Jazz Fair, they made a bee-line for the jazz spots. Here Arlyne, Mrs. Chet Baker [sic! Funny] is showing her admiration for the work of featured pianist Thelonious Monk. See centre pages.” Melody Maker, Vol. 30, N° 1081, June 5, 1954, front page.

"The fabulous Thelonious Monk in action [sic]. The man who puzzled Mike Nevard. ‘His playing is hammy, fascinating, trite—and interesting.’ says Mike. ‘It is sometimes startling, sometimes banal, sometimes both together. You can’t assess Monk.’” Melody Maker, Vol. 30, N° 1081, June 5, 1954, p. 9.

“The picture on this page were taken last week-end at the Paris Salon du Jazz^[•]. in the lower picture. Mary Lou is reunited with some of the many friends she has made in British and American jazz circles. L. to r. : Tony Kinsey, Mary Lou, Jeff Kruger^[•], Joe Harriott and Thelonious Monk.” Melody Maker, Vol. 30, N° 1082, June 12, 1954, p. 11.

Despite "The Enormous Success of the 3rd International Jazz Show” (the title of the editorial in Jazz-Hot, July- August 1954)^[•], it failed financially:

« … ça été le dernier Salon car ça c’est terminé par un flop financier, bien qu’il y est eu du monde parait-il à Pleyel, où je n’ai pas mis les pieds… le quartette de Mulligan avait bien marché… Delaunay et Souplet se sont séparés, à la suite d’une dispute, parce que c’est lui qui avait perdu… qui avait engagé de l’argent, et ils en sont restés là dans leur relation et il n’y a plus eu de concerts de Jazz de Paris [Salon] qui les années précédentes (c’était le troisième), avaient eu lieu l’hiver^[•], là ils avaient essayé de le faire au printemps, enfin en été, ça n’avait pas marché… »
Marcel Romano, conversation with Dominique Cravic, Monday, August 4, 1997, Le Wepler, 14, place de Clichy, Paris 18. Audio recording.

The coverage of the event in Jazz-Hot also was a failure^[•].

Two albums to which Thelonious Monk contributed were released in 1953 and received awards:

Prix Jazz-Hot 1954^[•]:

Blue Star Bird & Diz 10” LP GLP 6939: Bloomdido / My Melancholy Baby / Relaxin' with Lee / Passport / Leap Frog / An Oscar for Treadwell / Mohawk / Visa.
Released January 1953^[•].

Blue Star, Charlie Parker and His Orchestra NG 541 : My Melancholy Baby / Bloomdido.
Blue Star, Charlie Parker and His Orchestra NG 544 : Leap Frog / Relaxin' with Lee.
Blue Star, Charlie Parker and His Orchestra NG 545 : An Oscar for Treadwell / Mohawk.

Voici la livraison, en 78 tours, de l’album « Bird and Diz ». Il faut comprendre ces enregistrements comme une manière de « Be-Bop Revival ». C’est Norman Granz qui a eu la bonne idée de réunir le Bird et Dizzy pour reconstituer l’atmosphère et retrouver l’esprit des années 1944-46 qui virent le monde du jazz s’interroger dans la surprise, puis s’engouer pour la nouvelle musique qu’imposaient Parker et Gillespie. Les deux hérauts du be-bop sont ici accompagnés par le père du jazz moderne, l’incroyable Monk. Curly Russell et Buddy Rich complètent le quintette. Bird et Diz ont huit ou dix ans de plus, mais il semble qu’à se trouver réunis ils aient remonté le cours de leur évolution. C’est bien la fameuse équipe des années 44-46 que nous entendons. C’est, dans le dessin des thèmes, dans la fantaisie mélodique et rythmique, dans l’exhumation de codas célèbres, dans l’utilisation fréquente du blues, dans l’invraisemblable aisance des compères, c’est, dis-je (comme écrit Gide), le be-bop, d’illustre mémoire. P.S.— À signaler, ici encore, l’excellente qualité de l’enregistrement.
J. B. H. [Jacques B. Hess]
« Disques », Jazz Hot, N° 87, 20e Année (2e Série), avril 1954, p. 23.

During the Salon, on Friday, June 4 at 1:30 p.m.^[•], the Academy of Jazz held its first ceremony (it was created that year in 1954, with André Hodeir as President.^[•] Their “Oscar" for Best Jazz Record of the Year would go to Milton Jackson for "Wizard of the Vibes,” (Vogue LD 138), which also contained music from the session of April 7, 1952, "Milt Jackson Quintet.” Its content benefited from the inclusion of two titles from the "Thelonious Monk Quintet" session dated July 23, 1951—Criss Cross and Eronel—released on 78 rpm under his name (US number Blue Note BN 1590):

Vogue, Milton Jackson Wizard of the Vibes 10” LP LD. 138 : Tahiti / Lillie / Criss Cross / Willow Weep for Me / What’s New / Bags' Groove / On the Scene / Eronel.
Released June 1953^[•].

M. Jackson est entouré dans cinq faces par John Lewis (p), Percy Heath (b), Kenny Clarke (dm) et Lou Donaldson (alto) et dans les trois autres par Thelonious Monk (p), Al McKibbon (b), Art Blakey (dm), et Sahib Shihab (alto). C’est une bonne idée d’avoir réunis dans un même album des faces provenant de séances différentes. On a bien fait aussi de détailler le personnel sur l’étiquette, contrairement à de nombreux LP où rien n’est indiqué avec précision.

Dans le cas présent, les accompagnateurs se différencient facilement grâce au style des pianistes et des drummers. Art Blakey accentue les 2e et 4e temps de la mesure avec plus de violence que quiconque. Son jeu de cymbale Charleston le fait immédiatement reconnaître. Et, quoique John Lewis joue de manière moins étrange que Monk, c’est le même esprit qui anime tout le disque tant il est vrai que Lewis—comme Bud, Wallington ou H. Silver—ont puisé à la source du « grand prêtre ».

Ces deux sections fournissent à M. Jackson le soutien rythmique et harmonique idéal pour ses brillantes variations. Ses soli sur tempo lent sont particulièrement réussis. Willow Weep for Me, What’s New et Lillie sont de la veine de son fameux You Go to My Head, qui se passe de commentaires. Notons que ces slows sont entièrement joués en solo par le vibraphoniste qui se lance avec une virtuosité et une souplesse inouïes dans ces longues phrases qu’il aime jouer avec un léger retard. Son inspiration ne faiblit pas un seul instant et il est tout aussi brillant dans les morceaux rapides. Dès qu’il joue, on sent plus le ‘tempo’ (le swing).

Sahib Shihab et Lou Donaldson prennent aussi quelques chorus, le premier connu par ses disques avec Monk et le second, disciple de C. Parker. On peut lui reprocher quelque chose dans sa sonorité mais on apprécie ses idées.

John Lewis et Thelonious jouent aussi en solo et sont toujours égaux à eux-mêmes et originaux. Notons l’accompagnement particulier de J. Lewis qui n’hésite pas à broder derrière le vibraphone soit un contre-chant (What’s New), soit un riff (Bags' Groove).

Milt Jackson « Wizzard of the Vibes » dit l’enveloppe : c’est en effet un magicien de l’instrument que l’on peut ranger aux côtés des plus grands improvisateurs du jazz d’aujourd’hui. Ce disque accentue encore l’envie que nous avons le l’entendre ‘en chair et en os’, chose très prochaine à en croire certains bruits.

J.H. [Ny Renaud aka Jacques Henry]
« Disques », Jazz-Hot, N° 78, 19e Année (2e Série), juin 1953, p. 28.

These two titles were published in France under the name Milton Jackson on two different discs; the third title from the same session, Willow Weep for Me, was published in the US under the name Milt Jackson:

Swing, Milt Jackson and His New Group SW 408 : Willow Weep for Me / Criss Cross

Willow est un solo de vibraphone d’une haute inspiration sur un excellent thème. La musicalité, le son, le swing, les idées, tout y est, Thelonious Monk (p), Al McKibbon (b), Art Blakey apportent à Milt Jackson un soutien parfait.

Pour Criss Cross, un thème de Monk plein d’originalité et de fraîcheur, on trouve en plus l’alto Sahib Shihab, qui prend un excellent solo. La sonorité produite par l’alto, le vibraphone et le piano est très excitante, et là encore le swing dégagé par Art Blakey et McKibbon (sans parler des solistes) est remarquable.

Cette remarquable interprétation et son verso (déjà parus en LP : Wizzard of the Vibes, LD. 138, et précédemment chroniqués) sont un parfait exemple de jazz moderne de première qualité, sans complications inutiles, mais parfaitement efficace.
G.P. [Gérard Pochonet]
« Disques », Jazz-Hot, N° 87, 20e Année (2e Série), avril 1954, p. 27.

Swing, Milton Jackson and His New Group SW 427 : Bags' Groove / Eronel

Milton Jackson (vibes), Lou Donaldson (alto sax), John Lewis (piano), Percy Heath (basse), Kenny Clarke (dms) constituent le « new group » en question. Bags' Groove débute par un riff de quatre mesures répété trois fois comme il convient pour faire un bon morceau de douze mesures—vous connaissez? Soli excellents. Eronel, un thème de monsieur Monk qui peut être qualifié de renversé sinon de renversant, se prête on ne peut mieux au traitement que lui administrent ces messieurs. On entend avec plaisir l’admirable musicien qu’est John Lewis qui joue trop rarement. Le saxo de Donaldson, classiquement parkérien est agréable. Soutien rythmique impeccable, interventions de Kenny très remarquées. Deux très bonnes faces modernes, sans prétention et sympathiques.
M.D. [Michel Delaroche]
« Disques », Jazz-Hot, N° 88, 20e Année (2e Série), mai 1954, p. 26.

And finally, one day …:

« …quelques temps plus tard, qu’est ce que je vois en sortant, je vois un disque Thelonious Monk à Paris, je dis :
—Quoi? c’est pas possible », alors je vais voir Francis, je dis très mécontent, enfin je ne l’engueule pas, mais je lui dis :
—C’est très mal poli, très malhonnête… on lui a promis de faire une séance de radio et tu sors un disque avec ça », il dit :
—Ah non ne t’en fais pas tout est arrangé c’est Cabat, le type de Vogue qui a fait tout ça en toute… en toute… comment dire, légalité, il a téléphoné à Blue Note, il a eu l’accord de Blue Note, enfin bref, le disque est sortie… »
Marcel Romano, conversation with Dominique Cravic, Monday, August 4, 1997, Le Wepler, 14, place de Clichy, Paris 18. Audio recording.

Swing, Thelonious Monk LP 25 cm M 33.342 : 'Round about Midnight / Reflections / Smoke Gets in Your Eyes / Well, You Needn’t / Portrait of an Ermit / Manganese / Eronel / Off Minor.
Released April 1955^[•].

Il arrive très rarement qu’on puisse louer un disque sans réserves. C’est pourtant le cas ici : ce pianiste, que la publicité a affublé du sobriquet de « grand-prêtre du be-bop », que le public considère avec un amusement mêlé de méfiance, ce « pauvre type » qui malgré l’admiration bien réelle que lui portent des jazzmen tels que Dizzy, Bud Powell, John Lewis et Mary Lou Williams ne parvient qu’à grand peine à vivre de sa musique, ce gars est tellement gonflé d’idées originales qu’on a l’impression avec ce microsillon, d’avoir devant soi le programme musical de dix années à suivre!

Ce disque a précisément la qualité qui fait défaut à la plupart : la substance musicale. Monk n’est pas un charlatan, un marchand de curiosités qui veut « épater le bourgeois ». C’est un musicien aux idées neuves mais au discours parfaitement logique et d’une grande beauté. Les vrais mélomanes ne s’y laissent pas tromper. J’ai eu l’agréable surprise de voir plusieurs personnes peu versées dans le jazz moderne, instinctivement attirées par l’étrange musique de Monk.

Le fait de ne pas être accompagné par une section rythmique—c’est le premier enregistrement en solo de Monk—loin de le gêner, le met encore davantage en valeur. L’attention n’étant pas sollicitée par d’autres musiciens, on goûte encore mieux le jeu de ce grand pianiste. Car si Monk est un véritable puits d’idées et un compositeur de classe, il est en même temps un exécutant au toucher ravissant, doué d’une excellente technique.

Ce disque, dont toutes les interprétations (7 sur 8 sont des compositions de Monk) sont de valeur sensiblement égales, est l’un des plus originaux documents du jazz enregistré—ceci d’autant plus qu’il n’est pas le résultat d’emprunts à des musiques étrangères mais bien le produit d’un des plus grands créateurs du jazz. Nous lui souhaitons bonne réception dans toutes les discothèques.
Al. C. [Alain Courtois]
« Disques », Jazz-Hot, N° 102, 21e Année (2e Série), septembre 1955, p. 43.